Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 128.djvu/222

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LES REVUES ÉTRANGÈRES

REVUES ALLEMANDES

Un confident de l’empereur Alexandre Ier. — Quelques aphorismes inédits de Goethe. Schiller et les jeunes critiques allemands.


I

Le 22 mai 1802, l’empereur de Russie Alexandre Ier, de passage à Dorpat, y recevait en audience solennelle le personnel de l’Université. Ce fut le professeur de physique, Georges-Frédéric Parrot, qui fut chargé de lui souhaiter la bienvenue. Il le fit en français, ne sachant guère le russe, comme, d’ailleurs, la plupart de ses collègues ; et je ne crois pas même qu’il ait su beaucoup plus à fond le français, car, malgré l’apparence française de son nom, il était d’origine et d’éducation allemandes. Mais à l’empereur Alexandre Ier toutes les langues de l’Europe étaient familières, et le discours et la figure du professeur de physique lui plurent si fort, qu’après l’audience il invita Parrot à venir passer la soirée en tête à tête avec lui. Il découvrit alors, à sa grande surprise, que ce savant s’entendait presque autant à la politique qu’à la science, qu’il joignait à une imagination très active un grand fonds de prudence et de sens pratique, et que c’était enfin une variété d’idéologue qu’il n’avait jamais rencontrée jusque-là. Alexandre, comme l’on sait, raffolait des idéologues. Il se prit pour celui-là d’une estime et d’une affection particulières, qui grandirent encore lorsqu’il eut reconnu la haute probité, le désintéressement, et le dévouement du professeur livonien : dévouement qui ne s’adressait en vérité qu’à la personne même de l’empereur, car Parrot ne se considérait point