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fortifiées par sa conscience même et son cœur. Ses instances avaient tourné vers la guerre les incertitudes de l’empereur, elle se sentait pour une part responsable de nos insuccès et obligée à les réparer. Portée d’une condition privée au rang souverain par le choix de son époux, quel remords si elle l’avait aidé à se précipiter du pouvoir par ses conseils, et, au contraire, quelle occasion de s’acquitter envers lui si elle lui conservait à son tour le trône où il l’avait élevée ! Peut-être les droits de son fils lui-même étaient-ils compromis : qui mieux qu’elle les saurait protéger ; n’y a-t-il pas une divination dans la tendresse d’une mère ? Serait-elle la première souveraine qui sût traverser des conjonctures redoutables ; d’autres régences n’avaient-elles pas laissé dans nos annales des traces glorieuses ? pourquoi ne serait-il pas donné, à elle aussi la gloire de réhabiliter son sexe et de prouver qu’une femme peut être un homme d’Etat ?

Comme dans son sang d’Espagnole coulait, avec cette fièvre de grandeur romanesque, une générosité naturelle et capable de sacrifices, si l’impératrice avait soupçonné que l’importance prise par sa personne serait au détriment des causes chères à son cœur,