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mesure de l’exercer. L’occasion était bonne de substituer aux expressions un peu vagues dont nous nous étions servis en 1884, en traitant avec une association commerciale, les termes plus explicites du vocabulaire diplomatique qui sert aux arrangemens entre États européens. Bien loin de regretter d’avoir la Belgique pour voisine en Afrique, nous devions d’ailleurs nous féliciter de lui voir prendre la place de l’État du Congo. Nous aurons désormais en face de nous une nation et un gouvernement que nous connaissons, que nous aimons, avec lesquels nous savons comment il convient de négocier et dans quelle mesure les traités les engagent. Cela vaut mieux que d’avoir affaire à un État africain, quelque éminent que soit son souverain : le roi Léopold n’est qu’un homme, le gouvernement belge est un gouvernement constitutionnel. Le premier essai que nous avons fait d’une entente directe avec lui a été heureux, puisqu’il a abouti à l’arrangement du 5 février. La Belgique s’interdit de faire jamais de cessions de territoire à titre gratuit. Si elle aliène ses possessions à titre onéreux, en totalité ou en partie, elle reconnaît à la France un droit de préférence. Tout échange avec une puissance étrangère, toute location desdits territoires, en tout ou en partie, aux mains d’un État étranger ou d’une Compagnie étrangère investie de droits de souveraineté, donneront également ouverture à notre droit de préférence, et feront, par suite, l’objet d’une négociation préalable entre le gouvernement de la République et le gouvernement belge. Ce sont là, pour nous, des avantages très appréciables. Les territoires compris dans le Congo belge sont immenses; ils occupent en surface une grande partie de l’Afrique; dans ces vastes régions, aucune modification territoriale ne pourra se produire sans une négociation avec nous. Des surprises du genre de celle que nous avons éprouvée lorsque a été publié le traité anglo-congolais du mois de mai dernier deviendront impossibles. Tout cela était compris sans doute dans notre droit de préférence, mais il était bon de l’en faire sortir et de le préciser. En s’y prêtant, la Belgique a montré qu’elle entendait maintenir avec la France les meilleurs rapports de voisinage, en Afrique comme en Europe, Elle a fait plus : elle a voulu régler en une seule fois toutes les questions pendantes entre nous. En conséquence, nous avons procédé à la délimitation de nos possessions respectives dans le Stanley-Pool, et il a été décidé qu’une commission mixte se réunirait à Paris pour délimiter certaines autres parties de la frontière dans la région du Manyanga-Quilliou. Ainsi, tout a été prévu, tout a été réglé, et deux gouvernemens européens ont donné en quelque sorte l’exemple et le modèle des négociations et des traités qui ne laissent place à aucune équivoque. Ils en seront récompensés en évitant, à l’avenir, les préoccupations qui ont rendu parfois un peu difficiles nos rapports avec l’État indépendant du Congo.