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coûteront autant. Le déficit s’élève actuellement à 25 millions. Les procédés par lesquels M. Ribot y a pourvu, en découvrant dans la Caisse des dépôts et consignations des ressources qu’on ne lui soupçonnait pas, sont assurément très ingénieux : nous souhaitons qu’ils soient justifiés par l’événement. Mais le moment d’épiloguer est passé; il faut aboutir. Les discussions de fond sont renvoyées au budget de 1896 : puisse-t-il n’en être pas écrasé!

En dehors de ses travaux ordinaires, la Chambre a nommé une commission chargée de statuer sur la mise en accusation éventuelle de M. Raynal. Les radicaux et les socialistes avaient fondé sur cette commission de grandes espérances. Il s’agissait de savoir si M. Raynal, ministre des travaux publics en 1883, n’avait pas commis quelque crime ignoré jusqu’à ce jour en négociant avec les Compagnies de chemins de fer les conventions de cette époque. A dire la vérité, l’accusation, au moins dans ces termes, ne tient pas debout : tout le monde sait que les conventions de 1883 ont obéré les Compagnies plutôt qu’elles ne les ont enrichies. En tout cas, elles étaient le meilleur et même le seul moyen de construire, il y a onze ans, le réseau de chemins de fer dont on regardait, à tort ou à raison, la construction comme une nécessité. Mais les radicaux et les socialistes se sont appliqués à troubler et à égarer l’opinion à ce sujet. Il a été convenu, dans la polémique de leurs journaux, que les conventions étaient « scélérates », mot banal qu’on applique indifféremment à toutes les lois qui déplaisent. Le récent arrêt par lequel le Conseil d’État a donné tort à l’État contre deux Compagnies de chemins de fer, à propos d’une contestation sur un point spécial des conventions, a rendu une opportunité artificielle à des questions qui étaient devenues confuses dans l’esprit public. Les socialistes en ont habilement profité pour demander une commission d’enquête qui, dans leur pensée, devait avoir un double objet : le premier, de mettre M. Raynal en accusation ; le second, de dénoncer les conventions de 1883 comme entachées de fraude, ou du moins comme provenant d’un malentendu. On peut deviner ce que serait devenue cette commission si elle était tombée sous la main des radicaux et des socialistes : elle aurait réclamé des pouvoirs judiciaires, sous prétexte de s’éclairer sur la culpabilité de M. Raynal, et, de plus, elle aurait entrepris une vaste enquête administrative qui aurait porté sur la construction et l’exploitation de notre dernier réseau de chemins de fer. Tout cela pouvait conduire très loin, durer très longtemps, causer beaucoup d’inquiétudes, prêter à de nombreuses spéculations, et aboutir à des résultats équivoques. M. Millerand, promoteur de la commission d’enquête, a proposé à la fin d’une séance de la composer de 33 membres : ce nombre était en rapport avec l’importance qu’il entendait lui attribuer, avec les développemens qu’il voulait lui faire prendre. Le gouvernement était absent : la Chambre, sans direction,