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s’en aperçoivent peut-être, — c’est l’enfermer dans sa condition. Nous lui procurons les moyens de s’élever jusqu’à un certain degré de l’échelle sociale, et puis, nous ne les lui retirons pas, non, ce serait trop dire, mais, avec notre instruction professionnelle! nous arrêtons brusquement l’essor de son ambition. Nous le parquons dans un métier. Nous le marquons pour être ajusteur ou mécanicien. Nous le dressons, nous ne le formons pas. Nous sacrifions à un avantage apparent, et combien passager ! comme celui d’abréger le temps de l’instruction, les vrais intérêts du jeune homme lui-même et ceux de la société... Ne le verrons-nous pas enfin? et que, si l’instruction est assurément un bienfait, ce ne peut être que dans la mesure où l’éducation la précède, la soutient en quelque manière, et la préserve contre ses propres


III

Quel remède à ces maux? et comment nous y prendrons-nous « pour rendre une âme à l’école, » — c’est depuis quelque temps l’expression à la mode, — ou seulement, et comme on l’a dit avec moins d’emphase, « pour faire du collège un lieu d’enseignement moral? » J’ai des raisons, qu’on vient de voir, de joindre ensemble ici ce qui regarde le collège et ce qui regarde l’école. Conseillerons-nous aux maîtres d’hypnotiser l’élève indocile? Il y en a qui l’ont fait ! Ou bien encore imiterons-nous un haut fonctionnaire de l’instruction publique? C’est très sérieusement qu’il proposait, l’année dernière, à une assemblée réunie tout exprès de chercher avec lui sous quel pseudonyme on pourrait réintroduire « le nommé Dieu » dans les écoles ; et, comme il craignait sans doute que quelque conseiller municipal ou quelque député n’éventât l’artifice, il demandait que ce pseudonyme, assez transparent pour les enfans, ne le fût pas pour M. Camille Pelle tan ou pour M. Lavy. La discussion fut longue : les plus timides hasardèrent L’Idéal ou l’Au-delà; de plus hardis, ou de plus naïfs, proposèrent le Père; et finalement on se sépara sans avoir rien décidé... Je crois rêver moi-même en écrivant ces choses, et nous préserve l’Idéal ou l’Au-delà d’un semblable remède! C’est par la grande porte qu’il faut que Dieu rentre dans les écoles, et si quelqu’un croit aujourd’hui ne pouvoir plus s’en passer, il faut qu’il nous le dise, — et qu’on le sache !

D’autres moyens, plus francs, seraient peut-être aussi d’une application plus facile, mais surtout plus prochaine ; et, par exemple, puisque ce sont les mères qui forment les enfans, on pourrait