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inquiéter pour quelle fin, dans quel esprit, et comment on les organise. Il ne saurait être indifférent à personne de connaître au juste ce que l’on y enseigne, pour quelles raisons, et quelles en peuvent être les suites. C’est ce que je tâcherais de montrer, si je ne l’avais fait il y a tantôt quinze ans, et puis, et surtout si l’on ne l’avait fait ailleurs, et bien plus éloquemment que je ne le saurais faire. « Pour préparer les jeunes gens aux épreuves de la vie, — disait le duc de Broglie à la tribune du Sénat, dans la séance du 24 janvier 1880, — vous croyez que vous n’avez rien à apprendre de ceux qui ont traversé ces épreuves et les ont victorieusement surmontées? Vous croyez que, pour former les vertus militaires du soldat, vous n’avez rien à apprendre du général qui a gagné ses grades sur les champs de bataille? Vous croyez que, pour former l’intégrité du juge, vous n’avez rien à apprendre du magistrat qui a blanchi sous le harnais? Vous croyez que, pour former la probité du commerçant, vous n’avez rien à apprendre de celui qui a conquis à la fois la fortune, le crédit, et la considération par le travail? » Et ailleurs : « Mais ce n’est pas tout, et il ne faut pas songer uniquement aux connaissances qui sont nécessaires pour les diverses professions. Il y a encore et surtout les vertus, les qualités morales qui sont nécessaires aussi dans chacune de ces professions... Puis il y a aussi les qualités et les vertus générales qui conviennent à tous les états et à toutes les professions ; il y a à former le caractère, l’énergie de la volonté, le sentiment du devoir; à inspirer l’esprit de dévouement et d’abnégation, de sacrifice et de travail. Il y a à la fois une éducation professionnelle et générale que vous devez donner à la jeunesse, — et auprès desquelles l’instruction, quelque importance qu’elle ait, et que nous lui reconnaissions, n’est pourtant qu’une considération secondaire et inférieure. » M’accusera-t-on de médire du Conseil supérieur de l’Instruction publique, si j’ose avancer que les professeurs qui le composent, et parmi lesquels il y en a d’éminens, n’ont pas toujours ainsi compris leur rôle, ni peut-être ne pouvaient ainsi le comprendre? Le Conseil actuel n’est formé que de représentans de l’instruction publique ; tous et naturellement beaucoup plus soucieux des intérêts de l’instruction que des questions « sociales ». S’ils peuvent avoir des clartés de tout, ils n’ont de compétence indiscutable que comme professeurs; et, rien de mieux, s’il ne s’agissait que de former des professeurs; mais quoi! c’est du régime entier de notre éducation nationale qu’ils décident.

Or les professeurs, qui ont beaucoup de qualités, ne laissent pas d’avoir aussi quelques défauts, dont le principal n’est certes