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« Quel serait l’effet du coloris le plus vrai et le plus beau de la peinture sur une statue? — Mauvais, je pense[1]. » Nous n’y contredirons pas. Aussi bien, et nous croyons l’avoir montré suffisamment, ce genre de polychromie n’est point en question. Chez les Grecs, la peinture de statues procède d’un principe exactement opposé. La polychromie grecque est avant tout conventionnelle ; elle n’a jamais abdiqué ce caractère. Nous la voyons, à ses débuts, pousser la liberté dans la convention jusqu’au dédain des plus simples vraisemblances, limiter à dessein le choix des couleurs, se faire assez souple, assez détachée de toute imitation réaliste pour se plier sans scrupules aux exigences de la polychromie monumentale. Plus tard, avec les progrès de l’art, loin d’afficher des prétentions conquérantes, elle sait respecter la noble matière que les artistes mettent en œuvre, se subordonner à la sculpture et lui prêter un concours très discret. Son rôle n’est pas, comme on l’a dit, de « tenter une tromperie impossible », mais de rehausser le charme de la forme, qui reste maîtresse et souveraine. Pour la même raison, elle ne peut être qu’un art très délicat, tout en nuances, ennemi des exagérations violentes et sachant résister aux entraînemens du réalisme. Or, quand nous admirons les merveilles produites en Grèce par l’art industriel, les colorations si fines des figurines de terre cuite, la polychromie si pure des belles céramiques à fond blanc, nous devons faire aux peintres de statues un assez large crédit. Nous ne savons pas exactement ce qu’était une œuvre sortie de la collaboration d’un Praxitèle et d’un Nicias ; mais nous savons qu’il a fallu tout le goût et toute la science d’un maître pour réaliser dans la Tanagra de notre musée du Luxembourg l’alliance harmonieuse de la couleur et de la forme.


MAURICE COLLIGNON.

  1. Charles Blanc, la Grammaire des arts du dessin, p. 432.