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LA FIN DU SECOND EMPIRE

I.
LE DERNIER MINISTÈRE


I

Le 15 juillet 1870, la guerre, voulue par la Prusse, avait été déclarée par la France. 250000 hommes, rapidement portés de nos garnisons à la frontière, étaient demeurés quinze jours sans la franchir, immobiles, et, pour la garder, étendus en sept corps,[1] de la Suisse à la Belgique. Cette ligne mince, avait été, du 4 au 6 août, heurtée par l’offensive allemande à Wissembourg, à Forbach, à Frœschwiller, et, comme une épée qui se brise, s’était rompue en deux tronçons. 170 000 hommes se repliaient sous Metz, le reste n’arrêtait qu’à Châlons le désordre de sa retraite. Deux jours avaient suffi à l’invasion de la Lorraine et à la perte de l’Alsace.

Nul peuple n’était moins prêt que le nôtre à subir ces revers ni même à les comprendre. Les droits et les vanités de la gloire militaire avaient accoutumé la France à se croire au-dessus des hasards et à tenir la victoire pour la fin naturelle de ses luttes. Elle devait se dire trahie par ses chefs dès qu’elle le serait par la fortune. Ces défaites laissaient intact l’honneur de nos soldats. A Frœschwiller un contre trois, à Forbach un contre quatre, à Wissembourg un contre sept, ils avaient repoussé durant tout le jour

  1. Le 1er corps commandé par Mac-Mahon ; le 2e Frossard ; le 3e Bazaine ; le 4e Ladmirault ; le 5e de Failly ; le 7e F. Douay ; et la garde impériale, Bourbaki. Le 6e corps, sous Canrobert, était en réserve à Châlons. Rappelé à Metz après les premières défaites, par suite d’ordres et de contre-ordres, il n’y parvint pas tout entier.