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être, avec Mme Lapidoth, le plus remarquable des écrivains hollandais. Ni ses romans pessimistes Éline Vère et Fatalité, ni son roman poétique Extase, ni Majesté, son dernier livre, une façon de fantaisie à demi politique à demi lyrique, aucun de ces ouvrages ne saurait se passer, pour être compris, des artifices de style que l’auteur y a joints. Ce sont des œuvres toutes hollandaises, avec des développemens qui ne pourraient manquer de nous sembler par trop lents, et une minutie d’analyse qui aurait bien des chances de nous ennuyer. Mais M. Couperus n’en est pas moins un psychologue ingénieux, et un poète d’une inspiration tout à fait personnelle, intéressant surtout par son infatigable effort à renouveler, à rehausser sa manière. A côté de lui M. Marcellus Emants, M. van Eeden, poète, romancier et médecin, le Flamand M. Cyriel Buysse, représentent en Hollande la Littérature d’imagination. Et pour compléter cette nomenclature il faudrait citer encore deux auteurs dramatiques, M. von Nouhuys, l’auteur du Poisson Rouge, et Mme de Wissenkerke, l’auteur du Lotus : car les Hollandais possèdent aussi un théâtre national. Je me rappelle avoir vu jouer naguère, à Amsterdam, un drame psychologique, qui égalait en noirceur les plus noires fantaisies du Théâtre-Libre. Mais je dois ajouter, pour être franc, que le jeu des acteurs hollandais ne m’a pas laissé un très bon souvenir.


J’ai cité tout à l’heure la revue : de Gids. C’est incontestablement la plus importante des revues de Hollande. Elle a jadis compté parmi ses collaborateurs Multatuh et son ami Busken-Huet, l’auteur du Pays de Rembrandt, critique et poète, un des esprits les plus libres et un des plus parfaits écrivains de toute la littérature hollandaise. Aujourd’hui Mme Swarth-Lapidoth, M. Couperus, y publient leurs œuvres ; et c’est là encore que j’ai appris à connaître les principaux critiques hollandais. L’un d’entre eux, M. G. C. Byvanck, n’était plus, d’ailleurs, un étranger pour moi. J’avais lu, il y a deux ans, traduit en français, un livre assez singulier, où il rendait compte d’une sorte de voyage d’exploration à travers la littérature et les brasseries françaises. J’y avais trouvé notés, avec une abondance de détails qui m’avait paru excessive, les entretiens familiers de M. Verlaine, de M. Richepin et du chansonnier Bruant; et tout en admirant la bonne foi et la conscience de M. Byvanck, je m’étais un peu effaré de l’étrange idée qu’il allait donner de notre littérature à ses lecteurs hollandais. Mais, fort heureusement, je vois que les compatriotes eux-mêmes de M. Byvanck n’ont pris son livre, comme il convenait, que pour une amusante fantaisie. D’autres critiques se chargent de rectifier et de compléter pour eux les renseignemens de M. Byvanck sur notre mouvement littéraire : M. van Hall, notamment, qui publie dans le Gids d’excellens comptes rendus des nouveaux livre s’français, et M. A. G. van Hamel, le savant professeur de l’Université de Groningue,