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le voyage céleste, malgré leurs erreurs et leurs fautes passagères. Alors l’esprit divin recueille en lui tout ce qu’il y a de pur et d’immortel dans les souvenirs terrestres de l’âme, tandis que tout le faux, l’impur et le périssable se dissolvent dans l’Amenti avec l’ombre vaine. Ainsi l’âme, à travers une série d’épreuves et d’incarnations, se détruit ou s’immortalise facultativement. Cette unification est ce que les initiés égyptiens appelaient la résurrection[1].

IV. La sortie au jour ou la résurrection. — Armé par Hermès lui-même du sceptre de la volonté souveraine et de l’anneau crucial, signe de l’immortalité qui procède de l’amour sagesse, l’âme s’élance dans le monde divin comme dans sa patrie. Elle monte, elle rayonne, elle voit. Le soleil, les planètes, le monde matériel, ont disparu. Dégagée de son écorce opaque, elle rentre de l’envers à l’endroit de la vie, et l’intérieur des choses lui apparaît. Purifiée, elle s’immerge dans l’Ame du monde qui contient les fluides, les essences et les archétypes de tous les êtres. Éblouie par des torrens de lumière, elle s’écrie : « S’ouvre le ciel, s’ouvre la terre, s’ouvre le sud, s’ouvre le nord, s’ouvre l’ouest. Je sors des multitudes circulantes ; je me recommence parmi les mânes[2] ! » Sa parole devient lumière, et la lumière devient parole. Car des hauteurs fulgurantes, des milliers de voix répondent à son cri : « Le ciel s’ouvre quand ressort le dieu[3] ! » Elle monte, elle monte toujours. Du point incandescent partent quatre fleuves qui se répandent dans toutes les directions comme pour embrasser l’espace. Hermès dit à l’âme : « Le fleuve d’or vient d’Osiris, l’Intelligence ; le fleuve azur d’isis, l’Amour ; le fleuve pourpre de Râ, la Vie ; le fleuve émeraude de Nephtys, la substance universelle[4]. » Sur ces eaux célestes, vogue majestueusement la barque d’Isis ; la déesse est assise au gouvernail ; son fils Horus, armé de la lance, est debout à la proue.

  1. La résurrection définitive est figurée dans le Livre des morts et sur les monumens funéraires par l’épervier à tête humaine (symbole de l’esprit pur) planant sur la momie (symbole de l’âme terrestre). Ce qui ressuscite, selon la doctrine ésotérique, c’est la partie éthérée de l’âme et non pas le corps physique. Dans l’opinion populaire, d’ailleurs tolérée et favorisée par les prêtres, on matérialisa cette idée toute spiritualiste et on appliqua la résurrection au corps lui-même. De là la pratique de l’embaumement et le besoin de conserver les momies poussé jusqu’au fanatisme. — La vraie doctrine égyptienne, sur la constitution de l’homme et la nature de l’âme a été lucidement pénétrée et exposée d’une manière magistrale par M. Maspéro dans ses Études égyptiennes, p. 191 et dans son Histoire ancienne des peuples d’Orient, p. 35-37.
  2. Livre des morts', ch. CXXX.
  3. Inscription du tombeau de Knoum-Hotep, à Beni-Hassan.
  4. Ibidem, ch. CLXI. De l’ouverture des portes du ciel faite par Thot à Osiris Ounoufré et des quatre vents.