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le libérateur, de Touthmès le conquérant. Séti mourut avant d’avoir achevé le temple qu’il faisait décorer par les premiers artistes de l’Égypte. Mais son fils, Ramsès le Grand, l’acheva et y fit graver cet éloge de son père qu’il plaça dans la bouche de Séfech, déesse de l’écriture et de la sagesse : « Il a été institué comme roi sur le trône du soleil… (lisez : de la religion d’Ammon-Râ). Le monde lui a été donné comme une balance qu’il tient en équilibre par sa vertu bienfaisante. Il a veillé sur celui qui était endormi ; il a éclairé celui qui était dans les ténèbres[1].

Mais que penser du tombeau d’Osiris ? Était-ce le simple cénotaphe d’un dieu mythologique ou le tombeau réel du premier prophète d’Osiris, du véritable révélateur plus tard divinisé de l’antique religion, instituteur des Schésou-Hor, appelé Hermès par les Grecs et auquel les Alexandrins attribuaient la doctrine secrète du sacerdoce égyptien ? Lorsque Mariette-Bey entreprit les fouilles d’Abydos, il espérait que ses travaux jetteraient quelque lumière sur cette question capitale. Son ambition était de découvrir le tombeau d’Osiris. Il fouilla toute la nécropole jusqu’aux alentours du couvent copte. Chemin faisant, il trouva les fondations de la vieille Thini et fit sortir du sable le magnifique memnonium de Séti 1er  avec ses sept chapelles et leurs bas-reliefs polychromes, admirablement conservés, chefs-d’œuvre de l’art sacré. Mais il creusa en vain les ravines rocheuses et nues de la chaîne libyque ; en vain, il bouleversa les blocs de calcaire gris et d’albâtre blanc, pour y trouver la crypte profonde, la bouche noire qui passait aux yeux des Égyptiens pour l’entrée de l’Amenti ou du royaume des morts. La montagne de marbre ne voulut rendre ni son dieu, ni son prophète ; elle s’était refermée sur eux pour toujours. Résumant ses impressions et parlant du temple qu’il avait découvert, l’infatigable explorateur s’écrie, avec la modestie du vrai savant et la tristesse du chercheur déçu : « On entre dans le temple plein d’ardeur, on en sort découragé, non de n’avoir pu lui arracher son secret, mais d’avoir découvert que ce secret il le garde si bien pour lui qu’il n’a pas voulu le confier à ses murailles[2]. »

Pauvre et intrépide Mariette ! Faut-il donc que les pionniers héroïques qui trouvent les grands trésors ne puissent jamais en jouir eux-mêmes ? Sans doute ce temple ne nous apprend rien sur le personnage d’Hermès, ni sur l’origine du culte d’Osiris. Mais la doctrine du verbe solaire rayonne sur ses murs. Les vrais pro-

  1. Voir Essais sur l’inscription dédicaloire du temple d’Abydos et la jeunesse de Sésostris, par M, Maspéro.
  2. Mariette, Abydos, 3 vol. in-folio, texte et planches. Voir l’introduction.