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de singe dans une rainure du puits, taillée en échelle. Parvenu au fond, il détache son turban et s’en sert pour balayer le sable. Aussitôt apparaît le couvercle d’un sarcophage géant. Une table de basalte porte, sculpté en bas-relief, le disque ailé du soleil. Les larges ailes de l’astre mystique, du phénix, sont étendues horizontalement. Deux serpens, entrelacés et enroulés au disque, redressent de chaque côté leurs têtes vigilantes. C’est le signe de Horus, le verbe solaire, le Dieu manifesté, l’Apollon égyptien, symbole capital et central de cette religion. Il se déploie au front des pylônes et des temples, sur la tête des Dieux et des Pharaons, sur les palais et les hypogées. Partout il flamboie comme l’esprit vivant à travers l’homme et la nature. Sa course, nous le verrons plus tard, illustre les voyages de l’âme et l’évolution de l’univers. Les deux serpens qui dardent leur tête hors du cercle de l’infini, et qu’on retrouve dans le caducée de l’Hermès grec, personnifient les deux mouvemens de l’Esprit éternel, son respir et son aspir. L’un souffle la vie à toutes les formes de la matière ; l’autre boit les âmes qui reviennent au soleil divin. Luisant au fond de cette tombe, sur le basalte funéraire, au sein vierge du sable blanc, le soleil ailé de Horus n’a qu’un sens. Sa voix mâle résonne dans la langue universelle des symboles et domine toutes les autres, comme l’accord parfait résume toutes les harmonies. Elle dit : l’Esprit est Un ; l’Âme, son char vivant est immortelle, et sa vie à travers tous les mondes se nomme : « Résurrection ! »

Voilà une première réponse aux ténèbres intérieures de la pyramide. Mais passons au sphinx. Déjà sa croupe, d’une blancheur étrange, se dessine sous le plein soleil de midi. Il n’est pas entièrement dégagé des sables qui sans cesse essayent de le recouvrir, mais sa tête, encadrée des ailes du Klaft, émerge, colossale, des ondes du désert. Descendons le petit vallon pour regarder d’en bas et de face le monstre que les Arabes ont appelé Aboul-Hol, le père de la Terreur. Là, toute sa grandeur apparaît. Il tient comme un petit temple entre ses pattes étendues ; ce sont les trois stèles de Touthmès. Le nez est écrasé, mais l’arc superbe des yeux conserve à ce visage une expression unique de mélancolie dans la majesté.

Mieux qu’aucun dieu, celui-ci a gardé les secrets de son origine. Elle recule dans la nuit des temps, à mesure que les recherches avancent. Il ressort de la stèle trouvée par Mariette que le sphinx est antérieur à Chéops et probablement au premier des pharaons. En lui nous parle donc le plus vieux symbole de l’Égypte. Le sens qu’exprime sa forme et son orientation est confirmé par les textes lapidaires. Ils l’appellent le Hou de Hor-