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personne au prix de quel ensemble de conditions, en partie difficilement réalisables dans la grande culture, on peut arriver à de semblables rendemens ; mais il n’est pas moins évident que la comparaison des chiffres moyens de la meilleure région agricole de la France avec les résultats du parc des Princes, sous le même climat, mais dans un sol très pauvre, indique combien est large la marge d’accroissement des rendemens du sol sous l’influence de fumures suffisantes et convenablement appropriées à la terre et à la récolte qu’on lui demande. »

Étant admis que l’on ne peut raisonnablement prévoir le relèvement du prix du blé aux taux anciennement connus, les efforts de nos agriculteurs doivent donc tendre à abaisser le prix de revient du froment par l’accroissement économique des rendemens; et il résulte des progrès déjà réalisés, et des expériences scientifiques déjà faites ou qui se poursuivent, que cet accroissement peut être obtenu dans presque tous les sols par l’emploi généralisé de matières fertilisantes[1]. Grâce à un effort continu et au zèle simultanément déployé des sociétés d’agriculture, des syndicats agricoles qui se fondent sur tous les points du territoire, et de l’administration ministérielle, l’emploi des engrais commerciaux a pris depuis quelques années un développement d’une certaine importance. Si le progrès n’a pas été plus rapide, il en faut accuser, sans doute, l’esprit de routine de nos petits cultivateurs, mais aussi les fraudes trop fréquentes dont ils ont été victimes, le prix excessif de certains de ces engrais (azote et acide phosphorique), la surcharge des frais de transport. Pour combattre l’esprit de routine, le ministère a organisé les conférences des professeurs départementaux et développé l’enseignement agricole dans les écoles spéciales et dans les écoles normales primaires; de plus, les agriculteurs très distingués que compte la France en si grand nombre se sont fait gloire de donner l’exemple : leurs domaines sont devenus comme des champs de démonstration, où la population agricole peut constater de visu ce que la science doit donner à l’agriculture. Un abaissement sensible du prix des matières fertilisantes a été obtenu par l’organisation des syndicats de cultivateurs, qui a permis les achats en gros à frais communs, et a mis l’acquéreur à l’abri de la fraude contre laquelle son isolement le laissait désarmé. Des améliorations enfin ont été obtenues au point de vue du prix des transports : récemment les compagnies de chemins de fer ont consenti à substituer aux divers tarifs en vigueur pour le transport

  1. Voyez dans la Revue des 15 juillet et 15 août 1894, les études de M. Dehérain.