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Gallwey, elector Angliæ... Presque tous les pays du monde étaient représentés là.

— Vous n’avez pas tout vu, me dit le Père ministre. Nos congrégations générales ont quelque ressemblance avec les conclaves. Les électeurs ne sortent qu’après l’élection faite. Regardez cette petite salle, à côté, qui n’a d’entrée que par ici. Le jour de l’élection, on y a mis du pain sec et de l’eau. Les délégués entendent une messe à cinq heures et demie du matin, font une heure de prières, prennent leurs places dans la salle de vote, et sont enfermés à clef jusqu’à la nomination du général.

— Et la dernière fois?

— Personne n’a touché au pain ni à l’eau. Tout était terminé à dix heures, par l’élection du P. Martin.

Nous descendons par un nouvel escalier. Le P. Vinuesa s’excuse encore, prend congé de moi avec une politesse d’homme du monde espagnol, ce qui n’a rien de banal, et ajoute :

— Vous devez traverser au moins la grande église du monastère. Vous la trouverez, je vous en préviens, riche et « un peu rococo ». Nous avons bâti beaucoup de nos églises à une époque où régnait le mauvais goût, et nous lui avons payé tribut.

Il avait raison, ô colonnes de marbre tordues, frontons énormes qui les faites plier, pierres admirables enlaidies de mosaïques !

Je sors de Loyola avec une impression assez différente de celle que j’avais eue en l’apercevant, de loin, du bout de la plaine. Il m’avait paru surtout très sévère. A présent, il me reste une vision de grands escaliers clairs, de salles blanches, où la lumière entre à profusion. Et je comprends de moins en moins pourquoi les Guides s’obstinent à surnommer ce monument, remarquable par son immensité, ses belles lignes droites et par les souvenirs qu’il renferme ou qu’il rappelle, « la perle du Guipuzcoa ». La perle? On dirait avec la même justesse : « Le gentil Saint-Pierre de Rome. » Mais les Guides ne sont pas faits pour être ouverts en voyage : j’ai eu tort d’ouvrir les miens.

Au bas du grand escalier, un panier attelé en poste m’attend. Je l’ai loué à l’auberge voisine, car je veux me rendre à Bilbao sans regagner la ligne de Madrid. Je prendrai la route de montagne, je descendrai sur un village perdu qui se nomme Elgoïbar, et de là, par un chemin de fer à voie étroite, j’arriverai, cette nuit, dans la capitale de la Biscaye.

A peine la voiture a-t-elle tourné à droite, au milieu d’Azcoïtia, et dépassé les dernières maisons, que je sens s’éveiller l’émotion des grands paysages, le frisson délicieux qui nous avertit