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ne sont pas de trop. La voiture dépasse le couvent, franchit l’Urola, et me laisse devant un péristyle très orné, auquel on accède par un escalier à plusieurs branches, et dont les rampes de pierre sont gardées par des lions. C’est l’entrée de l’église publique, avançant au milieu de la façade blanche, haute de quatre étages, toute pareille à celle qu’on aperçoit en venant d’Azcoïtia. Près de moi, des dahlias maigres, deux corbeilles de zinias fanés, entourés de haies basses d’aubépine; puis l’avenue, parallèle au couvent; puis deux charmilles de marronniers, pour les pèlerins d’été; puis la plaine qui continue, vert pâle, déserte de ce côté comme de l’autre. Un jardin peu soigné, celui des Pères Jésuites. L’ordre n’est pas contemplatif, cela se voit de suite. Il est militaire. Les maisons qu’il construit pour lui ont l’air plus ou moins de casernes. Aucun luxe d’alentours. Pourvu qu’une bonne route y conduise, et permette d’aller par le monde, cela suffit.

Je veux visiter le couvent, et je vais à l’extrémité du long bâtiment, où est la porterie. Je me sens méditatif et songeur. Le Père qui m’ouvre ne l’est pas : un Espagnol blond, tout jeune, à physionomie virginale et souriante.

— Vous voulez visiter, monsieur? Très bien, le Père « ministre » va être prévenu. Entrez dans le parloir.

Le parloir est une vraie cage de verre, dont les barreaux sont peints en jaune. Il a de larges fenêtres ouvertes sur les jardins, un vitrage qui le sépare de la porterie, un autre donnant sur l’intérieur du monastère, et au travers duquel j’aperçois de grands escaliers clairs, un corridor, de jeunes abbés qui passent, le parapluie de coton sous le bras. Ce sont des novices, me dit le portier, qui partent pour la promenade.

Le Père ministre se faisant attendre, je traverse la porterie, et je m’arrête sous une galerie, en face de la maison patrimoniale des Loyola, « Casa solar de Loyola, » qui est enchâssée dans le monastère, et, toute grande qu’elle soit, n’en occupe qu’une minime partie. Elle était carrée, avec quatre tourelles flanquant les angles. Le mur qu’on voit encore est en pierre de taille et sans autre ouverture que la porte jusqu’au premier étage, en briques depuis le premier jusqu’au toit. Et ces briques formant des dessins, leur couleur rose, les fenêtres régulièrement disposées, l’entablement orné du toit, font un couronnement de palais à ces soubassemens de forteresse-. L’unique porte est ogivale, surmontée d’une inscription et des armes des Loyola, qui sont curieuses : une chaudière fermée, entre deux loups. La chaudière, d’après les vieux auteurs, voulait dire ; « Gens de noblesse, vous