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La température à laquelle les Orchidées épiphytes sont soumises, loin d’être aussi suffocante et humide qu’une jungle des bords du Gange, est douce, presque fraîche, agréable comme celle que les poitrinaires vont chercher à Madère. Un jardinier anglais du nom de Beaton, un homme simple et laborieux, doué d’heureuses initiatives, découvrit un jour ce fait capital, que les Orchidées ont besoin comme nos plantes d’Europe de quelque repos. Jusque-là personne n’y avait songé ; leur croissance et leur floraison avaient été poussées à outrance ; Beaton découvrit le premier que le surmenage chez les plantes exotiques est essentiellement nuisible. Comment une idée si simple n’avait-elle pas germé plus tôt sous les gros bonnets de la Société royale d’horticulture de Londres ? Par la raison bien simple qu’ils ne pratiquaient pas.

Bientôt il devint aisé de comprendre la vigoureuse résistance des Orchidées à la sécheresse et à la rigueur de certaines températures, dès que l’on sut que cette famille était une des plus nombreuses du règne végétal, et, en effet, l’Orchidée croît partout. On la trouve aussi bien dans les terres chaudes, terres qui commencent au niveau de la mer, que dans les terres tempérées et les terres froides, les premières atteignant de 2 000 à 6 000 pieds d’altitude, les secondes dépassant ce dernier chiffre. Alexandre de Humboldt, qu’il n’est jamais inutile de consulter dès qu’il s’agit d’histoire naturelle, assure que ce serait dans la zone tempérée, et même dans la partie la moins chaude, entre 4 800 et 6 600 pieds au-dessus du niveau de la mer, que se trouvent le plus grand nombre et les plus belles espèces. Comme à ces altitudes la température ne dépasse que rarement 28° centigrades, et ne descend jamais au-dessous de 12°, on dut en conclure qu’il n’était pas indispensable de leur donner dans nos serres une chaleur excessive, c’est-à-dire celle des terres chaudes ; pour les plantes qui croissent naturellement entre 5 000 et 7 000 pieds de hauteur, un jardin d’hiver à température peu élevée ou même froide suffisait.

Nos voisins d’outre-mer, gens naturellement pratiques, aiment mieux cultiver les Orchidées provenant d’altitudes peu élevées, et leurs serres à raisin sont par eux doublement utilisées : on ne saurait les en blâmer. Un grand nombre d’amateurs en Belgique et en Hollande font de même. Les uns et les autres cultivent des espèces dont la fraîcheur et l’éclat ne le cèdent en rien à celles qui exigent une terre torride. Pourquoi ne ferions-nous pas quelque chose d’équivalent on France ? Tout le monde ne peut avoir des serres aussi splendides que celles que MM. de Rothschild possèdent à Ferrières ; mais à tout il est des degrés. Dans un ordre plus modeste, il y a, pour ceux qui ont des loisirs, l’amour des