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plus mortel des poisons est le Nourali, jus de l’Orchidée Catàsetum. À Amboine, l’une des îles de l’archipel des Mollusques, là où la lèpre dévore tant d’indigènes, on obtient un mirifique Elisir d’Amore d’une farine extraite de la graine d’une petite Orchidée appelée Grammatophyllum speciosum. Cet élixir, assez mal à sa place, laisse, paraît-il, bien loin derrière lui le vin de coca et le breuvage composé par M. Brown-Séquard.

D’autres Orchidées sont employées à titre de médicamens dans les pays où elles croissent. L’Epipactis latifolia est préconisé contre la goutte ; le Spiranthe diurétique, pour justifier le nom qu’il porte ; le Gymnadenia conopsea, comme astringent, le Cypripedium pubescens s’emploie en lieu et place de la valériane, et ainsi de suite pour quelques espèces réputées analeptiques. Des essais, faits en Europe par des savans et des esprits curieux, n’ont donné que de pauvres résultats.

À côté des racines tubéreuses des Orchis, Orchidées et Ophrys utilisées à divers titres, il serait peu juste d’oublier cette gracieuse Orchidée, la Vanille, qui comme un serpent s’enroule autour des arbres des grandes forêts, et semble avec ses sœurs, les lianes grimpantes, s’en disputer l’impénétrable domaine. Nous avons longtemps cru, avec les indigènes du Mexique, de la Guyane, de la Colombie, de l’île de la Réunion d’où elle nous arrive en énormes quantités, qu’elle possédait l’aimable propriété que Brillat-Savarin, non sans raison, attribue à la truffe. Il n’en est rien : la vanille n’a pour elle qu’un délicieux parfum, ses tiges lisses à feuillage élégant, et le charme qu’en s’enroulant autour des fougères arborescentes elle donne aux serres d’Europe.

On divise les Orchidées, d’après leur mode de végétation, en deux catégories, les terrestres et les épiphytes. Les premières croissent sur le sol en y enfonçant leurs racines ; les secondes laissent flotter leurs racines au vent, fixées sur des troncs ou des branches d’arbres. Ce que nous savons moins, c’est le mystère de l’alimentation chez les unes, et chez les autres l’étrange té de leur fécondation, celle-ci rendue très difficile par un caprice de la nature. Chez les Orchidées, il y a d’ailleurs toujours entre elles quelque chose qui les différencie. Il n’est pas jusqu’à leurs fleurs qui ne soient dissemblables à celles de leurs congénères d’Europe d’une manière fantasque.

C’est sans doute cette façon de vivre en dehors de la loi commune qui leur a valu dans leur pays d’origine des appellations que l’on peut dire parlantes, et cela, bien avant que Linné et les autres botanistes en renom leur eussent donné de grands