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elles n’intéressent que le botaniste de profession, lequel ne s’émeut pas de placer une fleurette de nos champs à côté de l’une de ses sœurs des tropiques, parce que, vous dira-t-il, s’il l’y met, c’est qu’il est certain qu’elle y est en famille.

Ce qui distingue l’Orchidée de tous les autres végétaux, c’est, on le voit, la vaste étendue qu’elle occupe dans le monde. Nulle ne l’égale en cela ; ses tribus sont tellement nombreuses, que nous renvoyons à des livres spéciaux ceux qui voudront en connaître les divisions habituelles en botanique, c’est-à-dire, l’espèce, le genre et la famille.

Il est vraiment surprenant qu’en raison de cette prodigieuse fécondité, les Orchidées n’aient commencé à être étudiées que vers la fin du siècle dernier, et que ce ne soit que tout récemment, qu’on ait vu leurs fleurs se mêler aux lilas blancs, aux roses, aux œillets de toute nuance qui décorent les salons et les tables de nos salles à manger. D’élégantes mondaines en font aujourd’hui leur bouquet de corsage. En Belgique, en France, et surtout pendant la durée de la saison fashionable en Angleterre, leur vente est énorme ; partout, elles triomphent de leurs anciennes rivales, les fleurs d’Europe.

Jadis, l’Orchis, dont le mot Orchidée est une dérivation, joua un rôle très important en thérapeutique. Des médecins, contemporains de Diafoirus, croyaient que les tubercules de ce végétal guérissaient d’une stérilité obstinée. Au dire de ces doctes personnages, c’était un philtre merveilleux, capable de réveiller les sensations les plus endormies. Le breuvage s’appelait salep. Ce nom figure encore sur les bocaux en porcelaine des apothicaires, et qui sait si, dans quelque ville de province, un Homais quelconque ne vous fournirait pas ce médicament ? Si vous l’interrogiez sur la formule du salep, il vous répondrait qu’elle se compose d’une sorte de fécule ou plutôt d’une gomme qu’on obtient des tubercules d’Orchis après quelques préparations.

Il est des Orientaux, musulmans pour la plupart, qui, après avoir dépouillé les bulbes des Orchis de leurs enveloppes, les jettent dans l’eau froide ; ils les en retirent au bout de quelques heures pour les cuire et les enfiler ensuite afin de les mieux faire sécher au soleil. Lorsqu’ils veulent s’en servir, ils les réduisent en une poudre bien fine qu’ils mettent dans de l’eau bouillante, sur laquelle ils versent du lait et du miel. Cela donne une boisson analeptique et, à les croire, passablement fortifiante.

On aurait tort de s’imaginer que toutes les bulbes des Orchis et des Orchidées sont ainsi inoffensives ; M. Ch. Morren, de Gand, nous apprend qu’à Démérara, dans la Guyane hollandaise, le