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revanche à la résistance de ce qui est, aux obstacles légués par le passé.

Tous les hommes d’Etat prussiens dont le désaccord s’accentuait alors étaient bien également des anti-féodaux ; tous juraient d’exterminer les privilèges, et c’était au nom de la justice et de l’égalité qu’ils échangeaient des deux parts leurs argumens. L’on était d’accord, puisqu’il s’agissait de mesures financières et de charges nouvelles, pour faire porter ces charges également sur toutes les classes de la société ; mais l’accord s’arrêtait à ces principes très généraux.

Les adversaires de Hardenberg critiquaient tout d’abord avec vivacité le projet, calqué sur les mesures prises par Pitt, qu’il avait formé de contraindre les contribuables à racheter la moitié de l’impôt foncier. Il fallait, pour qu’une pareille opération fût licite et loyale, donner au contribuable la certitude irréalisable que l’impôt foncier réduit de moitié ne serait plus jamais relevé.

Mais c’était sur un autre point que portait le dissentiment essentiel. Les adversaires de Hardenberg lui contestaient le droit de demander à l’impôt indirect, c’est-à-dire aux objets de première nécessité et aux classes pauvres, la surcharge considérable qu’il se proposait de leur faire porter. Ils opposaient à son projet d’extension et d’élévation de l’accise un projet d’impôt sur le revenu. Cet impôt paraissait aux Prussiens pur-sang présenter une assiette plus équitable. Il leur semblait offrir l’avantage de frapper les classes aisées, proportionnellement à leurs ressources ; il avait surtout à leurs yeux le très sensible avantage de porter une marque d’origine anglaise et non française.

Telle était l’opposition des doctrines et des principes. Toutefois, dans la réalité, elle ne conservera pas toujours cette netteté.

Si Schön et Niebuhr étaient cassans dans leur opposition, Stein avait pris beaucoup plutôt l’allure d’un collaborateur que d’un adversaire[1]. Tout en étant l’apôtre ardent de l’impôt sur le revenu, il acceptait également l’extension de l’impôt indirect, et quant à Hardenberg, ses théories financières étaient encore bien moins intransigeantes.

Depuis son premier projet jusqu’à l’édit du 27 octobre 1810, il n’eut pas moins de quatre programmes financiers.


III

Au milieu de ces fluctuations, il faut s’attacher à l’édit lui-même. Que restait-il dans cet édit de tous les projets et de toutes les discussions qui l’avaient précédé ?

  1. Pertz, Stein’s Leben, II, p. 490. — Ranke, Hardenberg, IV, p. 236. — Dieterici, Zur Geschichte der Steuer-Heform in Preussen 1810-1820, p. 22.