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II

Le plan financier de Hardenberg eut entre le mois de mai et le mois d’octobre 1810 quatre ou cinq formes successives[1].

Le rapport du 28 mai 1810 adressé au roi avant l’avènement au pouvoir contenait tout d’abord une critique des idées d’Altenstein. Hardenberg y reprochait au ministre des finances l’incohérence et l’absence de vues, en quoi il n’avait pas tort. Il lui reprochait aussi de demander les ressources dont il avait besoin à une élévation des impôts indirects. C’est à cette même source que Hardenberg, dans le même mémoire, proposait de puiser, et c’est là qu’il allait puiser effectivement.

La seconde partie du mémoire du 28 mai 1810 contenait sous sa première forme le plan financier de Hardenberg.

Les grandes lignes de ce plan arrêtées, son parti pris et ses instrumens groupés autour de lui, Hardenberg les mit aussitôt en œuvre. Il était arrivé au pouvoir le 4 juin 1810. Vers le milieu du mois, il fit appeler auprès de lui Frédéric de Raumer : « Je veux, lui dit-il, une régénération prof onde et générale de l’Etat prussien. J’aurai beaucoup de projets de loi à faire préparer ; la filière administrative est trop lente : je veux qu’une commission spéciale prépare le travail ; rédigez-moi l’instruction pour cette commission[2]. »

Frédéric de Raumer[3] était alors âgé de 29 ans ; il était né près de Dessau et avait fait une carrière rapide dans l’administration prussienne. Il fut en 1810 un des auxiliaires les plus actifs du chancelier ; il se sépara de lui en 1811, et devint professeur d’histoire à l’Université de Breslau. Il devait jouer un rôle politique important en 1848 et mourir à 92 ans en 1873. C’était un de ces agens que Hardenberg aimait à avoir autour de lui. Esprit ouvert et plume facile, très apte à servir d’instrument à l’esprit vif et mobile de Hardenberg, il avait cependant des idées et des tendances personnelles. Plutôt littérateur qu’administrateur, très curieux des choses de l’esprit, très ouvert au mouvement des idées, pénétré de la nécessité d’une rénovation complète et de la suppression des abus de l’ancien régime, il était aussi, comme beaucoup des administrateurs prussiens à cette époque, porté vers l’imitation des modèles anglais.

Dès le 22 juin, il avait terminé, pour la commission que

  1. Karl Mamroth, Geschichte der preussischen Staats-Besteuerung, p. 207, 209, 215.
  2. Karl Mamroth, p. 184.
  3. Treitschke, Deutsche Geschichte, I, p. 370. — Karl Mamroth, p. 168.