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Beaux-Arts doit disparaître. Il semble bien que l’édifice actuel ne puisse longtemps résister aux forces qui l’assiègent. Il succombera sous la réprobation publique, s’il ne s’écroule pas sous l’effort du temps combiné avec la décomposition des matériaux. L’espace vide rendra à la vue la perspective aujourd’hui cachée. Rétablira-t-on le carré Marigny, tel qu’il existait autrefois ? Cela est douteux. On saisira l’occasion de construire sur une meilleure base ce palais des Beaux-Arts qui manquera, après démolition, aux artistes vivans ; on bâtira ou on laissera bâtir un édifice distinct, mais voisin, pour les arts décoratifs. Si l’on sait bien s’y prendre, on en trouvera aisément la place à droite et à gauche de la percée sans qu’il soit nécessaire de déraciner aucun arbre précieux. Les arbres sont aussi des monumens, et ils imposent le respect au même titre que l’ouvrage sorti des mains de l’homme. L’Administration aura à se prononcer sur le rétablissement de la perspective et sur la construction des deux édifices. Dans lequel des projets primés ira-t-elle chercher la solution du double problème ? A peine en pourrait-elle découvrir l’intention dans les plans de M. Eug. Hénard. L’excellent artiste n’a pas résisté à la tentation de voiler le tableau après nous l’avoir montré. M. Esquié (3e prime) ne nous rend qu’une vue biaise ; M. Mewès (4° prime) déploie une riche imagination pour tourner la difficulté, mais sans y parvenir. Ceux qui ont le plus franchement résolu le problème, M. Defrasse, et surtout l’ingénieux auteur du numéro 102, M. Esnault-Pelterie, qui s’était caché sous la devise : Fluctuat née mergitur, n’ont pas été classés parmi les lauréats. Leurs plans avaient certainement de grands défauts, mais ils avaient le plus grand de tous les mérites à nos yeux, celui de mettre en bon accord pour l’avenir les deux rives de la Seine à cet endroit intéressant qui tend à devenir un nouveau centre dans la capitale. Si d’une fête passagère il est possible de tirer un sérieux avantage et un durable bénéfice, c’est à ces deux artistes qu’on le devra.

Le jury, plus préoccupé, semble-t-il, de la richesse des architectures que des dispositions géniales, plus enclin à louer les façades qu’à faire cas des plans par terre, a placé l’Administration dans une situation délicate. Ou bien on fermera, pour un temps plus long que n’a pu le faire l’édifice grossier de 1855, la perspective ménagée avec art par les auxiliaires de Colbert ; car on voudra donner aux constructions nouvelles une solidité plus grande que celle des « palais de cristal », destinés tous à disparaître sous l’action de la rouille, aidée dans son œuvre par la dilatation du fer ; ou bien on rectifiera les axes, on régularisera les percées, on