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le plus curieux de son espèce. L’article 6 fut si généralement compris dans le sens d’une destruction complète que l’opinion s’en préoccupa. L’un fit valoir l’économie qui résulterait de leur conservation, l’autre s’indigna de ce qu’il appelait un gaspillage, un troisième exprimait la crainte qu’on ne mît, à la place des bâtimens abattus, des édifices moins bien conçus et d’une plus médiocre architecture. La galerie de 115 mètres, qui avait mieux résisté aux critiques, était réclamée comme un effort très réussi d’une intelligence ouverte aux progrès de la science et à l’application du fer à la couverture des grandes surfaces sans points d’appui intermédiaires. Quant à la Tour, eu horreur à tous les artistes, on admettait qu’après s’être habitué à sa grêle silhouette, on la verrait disparaître avec regret. Puis on faisait valoir la grosso indemnité qu’il faudrait payer si l’on démolissait, avant l’échéance du contrat, ce clou colossal planté la pointe en l’air.

Il paraît que les artistes, et nous avec eux, nous nous étions trompés sur les intentions du commissariat général. Nous avions interprété trop à la lettre l’article 6 du programme. Une note officieuse ramena nos esprits égarés à une plus large interprétation du texte. Il fut dit que le commissariat général n’avait pas les intentions destructives que nous lui supposions et qu’il avait entendu seulement prévenir les concurrens que, s’il se rencontrait parmi eux un Michel-Ange, on lui donnerait licence de démolir les murs que les Bramante, les Serlio et les San Gallo de 1889 avaient bâtis. Je n’oserais dire que Michel-Ange se soit présenté au concours, mais je suis assuré qu’il ne sera rien détruit au Champ-de-Mars, de ce qui pourra utilement servir.

L’Exposition nouvelle a besoin d’espaces beaucoup plus considérables que les précédentes. On a pu remarquer que ces réunions de produits et d’objets d’art se sont accrues parfois du simple au double de l’une à l’autre. Les deux dernières avaient admis dans leur sein des élémens étrangers en si grand nombre que le périmètre tracé s’est trouvé trop étroit pour les loger. Cette fois encore l’ambition est si grande d’y introduire l’image complète du XIXe siècle, d’en faire le spectacle le plus animé de ses dernières années, d’attirer à Paris toutes choses et toutes personnes, que l’espace manquera encore. On reportera à Vincennes certaines fêtes athlétiques qui doivent relier les olympiades modernes aux olympiades antiques ; mais où mettra-t-on tant d’autres divertissemens nécessaires à des populations qui veulent s’amuser ? Ne sera-t-on pas conduit à envahir la droite des Champs-Elysées et le Jardin des Tuileries lui-même ?

Le programme a déterminé avec précision les espaces dont