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moindres dépenses, et profilez de la circonstance pour donner à la ville, des hauteurs de Passy, un spectacle dont Naples serait jalouse. Sous la garantie du gouvernement vous trouverez aisément les fonds nécessaires et, si la Ville entreprenait elle-même l’opération, elle réaliserait par la revente des terrains après l’exposition un bénéfice considérable. »

Le cri ne fut pas entendu : on chercha ailleurs des espaces inoccupés. On crut les avoir trouvés en ajoutant aux terrains de 1880, — Champ-de-Mars, Trocadéro, quai d’Orsay, Esplanade des Invalides, — une partie de la rive droite, le quai de la Conférence, le Gours-la-Reine et cette portion du côté gauche des Champs-Elysées où s’élève l’indigeste bâtisse appelée, par dérision sans doute, « Palais des Beaux-Arts. » Le programme permettait de le démolir. Une pensée d’économie conseille de le conserver : il est si utile ! Il abrite successivement des animaux gras, des chevaux maigres, des objets d’art, peinture et sculpture, et se change à l’occasion en « vélodrome » pour les « bicyclistes ». C’est le caméléon des monumens. Sa laideur n’est dépassée que par sa mauvaise distribution intérieure. La moitié de l’espace qu’il occupe est perdue dans l’obscurité de son rez-de-chaussée. Il a de plus un défaut capital : il s’écroule. Bâti pour durer dix à douze ans, en voilà quarante qu’il offusque le regard. Ce n’est pas que ses murailles ne soient solides : elles tiennent debout ; mais ses planchers sont disjoints, ses pavages sont usés ; les marches de ses escaliers ont été déjà tant de fois raccommodées qu’il faudrait les refaire en entier ; enfin la ferraille dont sont faites ses charpentes et sa grande nef devrait être entièrement remplacée. Calculez la dépense : elle ne sera guère moindre que celle à laquelle s’élèverait une construction nouvelle, d’un meilleur plan et d’un meilleur aspect. Telle a été la pensée d’un assez grand nombre de concurrens.

Les terrains affectés à l’Exposition du XXe siècle sont bien connus de tous ceux qui se sont occupés de cette question. Pour les autres nous venons d’en indiquer approximativement le périmètre. Il nous suffira d’ajouter que le quai de Billy jusqu’au Trocadéro est compris dans le tracé et que l’on a précieusement réservé le pavillon de l’Horloge, le restaurant Ledoyen et le Palais de glace, ancien Panorama. On les a jugés dignes de figurer à la fin du siècle, mais en dehors de l’Exposition. Ils occupent des espaces que l’on pourrait beaucoup mieux utiliser. A la dernière heure on s’apercevra qu’on aurait dû les sacrifier. Ce que le programme a formellement interdit aux concurrens, c’est la destruction de tout ce qui reste de beaux arbres dans les Champs-Elysées. Ils sont d’ailleurs devenus si rares qu’il sera facile de bâtir