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volontairement, s’y est établi et les garde. En ramenant son effort à l’est, Wimpfen ne rompt pas l’obstacle sur lequel il se jette, mais il donne aux deux corps de l’adversaire qui ont passé la Meuse à Donchery, le loisir de tourner la boucle du fleuve, de passer entre elle et la forêt, et de s’étendre en avant. Dès onze heures la retraite nous est fermée à l’ouest, comme à l’est, il n’y a plus d’issue ouverte que la Belgique. Et déjà la gauche de la troisième armée et la droite du prince de Saxe qui, en face l’une de l’autre, bordent ce passage, se rapprochent. La garde royale traversant la Givonne dans la partie de la vallée où notre défense ne s’étendait pas, se glisse le long de la forêt entre la frontière et nos troupes, fait jonction avec la troisième armée au nord d’Illy. Une artillerie aventurée avec audace et à peine escortée par quelques troupes de soutien ferme le cercle de fer et de feu sur notre armée, entourée dès midi.

Bientôt notre 1er  corps, qui dispute aux Saxons les rives de la Givonne, canonné de front, de flanc et par derrière sur les hauteurs d’Illy, ne peut plus tenir. Alors, pour culbuter à l’ouest l’ennemi dans la vallée de Floing, la cavalerie française accomplit cette charge, trois fois renouvelée, qui arrachait au roi Guillaume un cri d’admiration. Mais le sacrifice de ces « braves gens » qui allaient d’un tel élan à la mort, fut une gloire et non un secours. Chaque fois ils traversèrent les premières lignes des ennemis, mais pour se briser contre les feux de salve et d’artillerie, et le dernier retour de leur charge devenue une déroute emporta vers Sedan le 1er  corps qu’ils avaient voulu dégager. Le 7e corps à son tour essaie de garder cette position décisive d’Illy ; entraîné par son chef, lui aussi monte et tombe au calvaire. Tandis que les régimens tentent d’atteindre les batteries plus proches qui les foudroient du nord, celles de gauche plus lointaines, celles de droite, inaccessibles derrière la Givonne, les trouent, les déchirent, les dispersent, et où tout à l’heure les divisions avaient leurs lignes et leurs intervalles, une foule de fuyards roule sur Sedan. Les hauteurs d’Illy sont définitivement perdues. L’ennemi nous y succède et s’y renforce. Le 12e corps, que la canonnade prend à son tour à revers, ne peut plus tenir davantage sur la basse Givonne, et de même se replie sur Sedan.

À mesure que ces débris de nos corps se rapprochent de la ville, ils se mêlent, formant une multitude de plus en plus compacte qui, arrêtée par sa propre masse, s’étouffe aux portes de la ville qu’elle remplit déjà, où tous veulent trouver refuge. Car les Allemands, après nous avoir poussés et réunis sur les abords découverts de la place, ont confié à leurs canons le soin d’achever l’œuvre. Sur la rive gauche comme sur la rive droite, partout