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l’ouest, s’opposera la retraite des Français sur Mézières. Le 1er septembre, dès le point du jour, l’action s’engage à l’est, à Bazeilles et sur le ravin de la Givonne. L’ennemi, persuadé que nous préparons notre retraite sur l’ouest, veut la retarder par la vigueur de son attaque et donner à la gauche allemande le temps de nous prévenir sur la route de Mézières.

La bataille était déjà commencée que Mac-Mahon incertain se demandait encore où il devait conduire son armée. La blessure qui dès six heures et demie le mit hors de combat, lui épargna l’embarras de choisir et fut clémente pour sa renommée. Mais au moment où il était si urgent de prendre parti, elle ouvrit la vacance du commandement. Mac-Mahon crut y pourvoir et nomma pour le remplacer le lieutenant qu’il jugeait le plus capable de sauver l’armée, le général Ducrot. L’officier porteur de l’ordre qui donnait au général le commandement tombe blessé à son tour. Ducrot ne prend qu’à huit heures possession de son commandement.

Ducrot avait toujours pensé que le seul parti à prendre était de ramener l’armée sur Paris. Depuis le matin il lutte contre le prince de Saxe et voit grossir le nombre des ennemis qui nous barrent la route de l’est. Il sait la difficulté croissante de s’ouvrir de ce côté le passage ; il ignore que le pont de Donchery est intact et que les Allemands en sont maîtres. Dès que l’autorité lui appartient, il ordonne la retraite sur Mézières, et pour cela il prescrit au 12e et au l" corps d’abandonner la position où ils se maintiennent à l’est de Sedan.

Mais Montauban a tout prévu. Wimpfen, à Paris d’où il arrive, a vu le ministre de la guerre et s’est laissé convaincre que le grand dessein à poursuivre est la délivrance de Bazaine, il a promis de se consacrer à cette œuvre, et le ministre, rendant en confiance ce qu’il recevait en approbation, a remis à Wimpfen une lettre de service qui confère à ce général, à défaut de Mac-Mahon, le commandement. Wimpfen n’a pas fait connaître tout d’abord cette lettre de service, il hésite à réclamer la direction d’une armée où il est si nouveau. Mais quand il voit commencer la retraite sur l’ouest, il considère comme un devoir de l’empêcher. Lui, à l’inverse de Ducrot, ne connaît pas les forces qui nous sont opposées à l’est, et il a appris à Sedan que l’ennemi passe la Meuse à l’ouest de la place : il en conclut que la route de Mézières est coupée. Il revendique donc et obtient à neuf heures le commandement en chef et dispose tout pour une énergique offensive à l’est. Il s’y décide trop tard. Durant l’heure qu’il a perdue à délibérer avec lui-même, il a laissé commencer la retraite, évacuer les positions dont il a besoin, qu’il lui faut reprendre. L’ennemi, auquel le général Ducrot les abandonnait