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Elle annonçait que le prince royal, averti de notre marche, se portait sur les derrières de l’armée. Puisque sa gauche déjà était entre nous et Paris, sa droite ne devait pas être loin du prince de Saxe. Le maréchal doutait qu’il eût le temps de combattre l’une des deux armées sans avoir affaire à l’autre. S’il continuait à s’avancer vers la Meuse, et n’en pouvait forcer le passage, il aurait donné au prince royal le temps d’achever sa manœuvre enveloppante et serait pris entre les deux armées. L’imminence de ces périls, qui parlait seule ici, ramena le maréchal au parti dont il s’était écarté sous la pression des politiques ; il comprit que le retour à Paris était nécessaire. Si la route directe par Reims lui était fermée, celle de Mézières restait ouverte, et de là il pouvait regagner la capitale, on appuyant à l’ouest et par des régions où l’invasion n’était pas encore parvenue. L’intérêt lui parut si certain et si pressant qu’il ordonna, le 27, à tous les corps d’armée, la retraite sur Mézières, et qu’il annonça en ces termes sa résolution à la régence : « Le Chesne, 27 août 1870, 8 h. 30 soir. — Les première et deuxième armées, plus de 200 000 hommes, bloquent Metz, principalement sur la rive gauche ; une force évaluée 50 000 hommes serait établie sur la rive droite de la Meuse pour gêner ma marche sur Metz. Des renseignemens annoncent que l’armée du prince royal de Prusse se dirige aujourd’hui sur les Ardennes avec H0 000 hommes ; elle serait déjà à Ardeuil. Je suis au Chesne avec un peu plus de 100000. Depuis le 19, je n’ai aucune nouvelle de Bazaine. Si je me porte à sa rencontre, je serai attaqué de front par une partie des première et deuxième armées, qui, à la faveur des bois, peuvent dérober une force supérieure à la mienne, en même temps attaqué par l’armée du prince royal de Prusse me coupant toute ligne de retraite. Je me rapproche demain de Mézières, d’où je continuerai ma retraite, selon les événemens, vers l’ouest. »

Montauban répondit par cette dépêche : « Paris, 27, 4 h. soir. — Si vous abandonnez Bazaine, la révolution est dans Paris et vous serez attaqué vous-même par toutes les forces ennemies ; contre le dehors, Paris se gardera. Les fortifications sont terminées. Il me parait urgent que vous puissiez parvenir rapidement jusqu’à Bazaine. Ce n’est pas le prince royal de Prusse qui est à Châlons, mais un des princes frères du roi de Prusse, avec une avant-garde et des forces considérables de cavalerie Je vous ai télégraphié ce matin deux renseignemens qui indiquent que le prince royal de Prusse, sentant le danger auquel votre marche tournante expose et son armée et l’armée qui bloque Metz, aurait changé de direction et marcherait vers le nord. Vous avez au moins trente-six heures d’avance sur lui, peut-être quarante-huit heures. Vous