Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 127.djvu/343

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une chance et un chef pour un changement de conduite. Pourquoi l’opinion de la Chambre, ne menaçant pas le cabinet dans sa durée, ne fournirait-elle pas à la minorité des ministres le point d’appui pour une évolution du gouvernement ? Le cabinet, pas plus que la Chambre, ne pratiquait les mœurs parlementaires ; les membres du conseil privé, qui n’étaient pas ministres, pesaient sans cesse de leur présence et de leurs volontés sur les délibérations du Conseil. Le Parlement n’avait-il pas plus d’intérêt et plus de droit à obtenir quelque place dans cette assemblée de gouvernement ? Puisque séance était accordée au président du Corps législatif, elle pouvait être concédée à d’autres députés. Et le jour où quelques-uns, choisis par la Chambre, seraient associés, dans cette collaboration intime, à la conduite des affaires, ils pourraient, sur l’affaire capitale, la marche de l’armée, changer la minorité du Conseil en majorité.

La confidence de ces pensées fut faite par M. Schneider à des députés qu’il prit pour échos, et l’idée qu’il fallait associer le Parlement aux délibérations du pouvoir conservé et fortifié par ce concours conquit toute la majorité. L’opposition ne sut pas un moindre gré à M. Schneider de son attitude ; il employa son crédit nouveau sur elle à obtenir qu’elle ne troublât pas, par d’inutiles attaques contre le ministère, le mouvement d’opinion créé dans la Chambre. La gauche, qui avait mis son espoir dans une action parlementaire, saisit l’occasion de créer un accord avec la majorité, durant cette période ne poussa pas à fond la guerre au gouvernement, et se consacra à chercher aussi le moyen le meilleur de soumettre le ministère à l’influence de la Chambre. Le désir et la difficulté de trouver donnèrent naissance aux combinaisons les plus multiples, les plus inattendues ; elles ne cessèrent d’être jusqu’au dernier jour de l’empire le souci des groupes, la rumeur des couloirs et la chimère des esprits. Car l’œuvre était contradictoire de chercher des mesures à la fois assez efficaces pour imposer au gouvernement l’abandon de son dessein principal et assez modestes pour ne pas soulever son hostilité. L’énoncé de cette double condition aurait dû éclairer sur la vanité des projets. Et toutes les fois que ces projets apparurent à la tribune, il ne resta rien d’eux, sinon le témoignage du néant où tombent les assemblées quand la crainte de déplaire au pouvoir l’emporte en elles sur le désir de sauver leur pays.

Le 22 août, jour où se décidait la marche sur Metz, fut un de ces jours. Le gouvernement venait de nommer un conseil de défense, composé de généraux et chargé de hâter à Paris la mise en état de l’enceinte et des ouvrages. La motion fut faite à la Chambre que le Parlement se fît représenter dans ce conseil