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« qui n’a pas de supérieur humain[1] en dehors d’elle-même » : le pouvoir du Grand-Conseil, dans le canton des Grisons, a sa limite toujours prochaine, et elle n’est autre que la souveraineté populaire. Il propose les lois plus qu’il ne les adopte et il les élabore plus qu’il ne les fait. Le peuple ne manque jamais d’avoir la dernière raison. Il l’a, par l’initiative qui est la forme active ou positive, et par le referendum, qui est la forme passive ou négative, dans lesquelles il exerce sa souveraineté.

Au référendum sont soumis, de droit : tout changement à la constitution, tout traité que le canton peut conclure avec d’autres États ou cantons en vertu de son indépendance, restreinte par la constitution fédérale, toute loi, de quelque nature qu’elle soit, judiciaire ou administrative[2]. N’est-ce pas le référendum obligatoire, universel, quotidien dans le sens qu’il s’applique à tout ce qui peut faire et fait tous les jours la vie publique du canton ? Et, par lui, n’est-ce pas la démocratie directe enserrant, surveillant, contrôlant, corrigeant la démocratie représentative ? N’est-ce pas la souveraineté du peuple constante, continue, permanente ?

Mais ce serait peu que le référendum, qui donne au peuple des Grisons le moyen de repousser les lois dont il ne veut pas : l’initiative lui donne le moyen d’avoir celles qu’il veut et d’abroger celles dont il ne veut plus[3]. Elle appartient au peuple tout entier, et à toute fraction du peuple, et à tout citoyen, à condition de réunir les signatures de trois mille électeurs ; rien n’est au-dessus de sa portée, non pas même la constitution, que tout citoyen peut faire réviser en tel ou tel de ses articles ou même en sa totalité et à laquelle il peut en faire substituer une autre, si la majorité du peuple accepte et ratifie sa proposition.

La base territoriale sur laquelle repose, dans le canton des Grisons, le système représentatif, est le cercle, association ou plutôt groupement de communes. Le cercle est, après la commune, la première union administrative. Les trente-huit cercles des Grisons, très différens entre eux pour l’étendue, envoient au Grand-Conseil des députés en nombre variable[4]. Ont droit de

  1. C’est un des termes de la définition que le célèbre juriconsulte anglais Austin a donnée de la « souveraineté ».
  2. La Constitution précise même et énumère : soit une loi civile, soit une loi criminelle : soit en matière d’impôts, d’école, de forêts, de chemins, de chasse et de pêche, d’hygiène, d’assistance, soit sur n’importe quelle partie de l’économie nationale ; et, de même, pour toutes les ordonnances rendues en exécution des lois fédérales que pour toute création nouvelle d’emplois cantonaux, que pour toutes dépenses qui excèdent 100 000 francs une fois versés ou 20 000 francs chaque année, pendant cinq ans.
  3. Les lois, après qu’elles ont été deux années en vigueur ; les ordonnances, sans condition de temps.
  4. Coire, par exemple, a sept députés, mais beaucoup d’autres cercles n’en ont qu’un. Chaque cercle donne à son député un plein pouvoir écrit et régulier. À la fin des sessions, le Grand-Conseil élit une commission de trois membres qui rédige les lois soumises à la sanction du peuple et prépare le rapport aux cercles et aux communes sur les travaux de l’année.