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Pour revenir au Turkestan, nous dirons que la centralisation des services publics et leur mobilité y sont plus grandes qu’en Algérie. Prenons pour exemple ce qui concerne l’administration des travaux publics. Les ingénieurs ne sont pas, comme chez nous, dispersés dans des résidences diverses éloignées les unes des autres, et auxquelles chacun d’eux est attaché ; tous leurs bureaux sont réunis à Tachkent sous la main du gouverneur général. Chaque année, au commencement de la belle saison, ces ingénieurs partent dans des directions diverses et vont employer leur été à faire des levés, à étudier des projets, ou à diriger l’exécution de travaux dans telle ou telle partie du pays, suivant un plan général établi à l’avance. Au commencement de l’hiver, ils rentrent dans la capitale, et là, ils f’nt le travail de cabinet, qui est immédiatement centralisé : les projets sont discutés, comparés, adoptés, dans le plus bref délai possible, et beaucoup d’entre eux peuvent servir de base aux travaux à exécuter sur le terrain dans la campagne suivante. On peut aussi, de cette façon, porter vers tel ou tel point du territoire, selon les besoins du moment, un personnel plus ou moins nombreux. L’unité de direction est en outre assurée ; les bureaux qui ont le plus à faire sont renforcés à volonté, de telle sorte que tous les travaux peuvent être préparés pour ainsi dire dans le temps que veut le gouvernement général. Cette méthode, a des avantages et des inconvéniens ; mais en fin de compte, elle a donné de très bons résultats. Le système est complété par une organisation administrative particulière. Auprès du gouverneur général sont placés un certain nombre de hauts fonctionnaires, qui sont à la fois des conseillers, des collaborateurs et des agens d’exécution. Il peut, à son gré, changer leur destination, et les affecter à l’organisation ou à la direction de tel ou tel service. Ils portent le nom de commissaires généraux techniques et sont recrutés parmi les savans, les ingénieurs, les administrateurs. On conçoit ce qu’une pareille organisation a d’élastique et de favorable au développement d’une colonie ainsi qu’au meilleur emploi de toutes les capacités.

Le gouverneur général du Turkestan jouit en somme d’une autorité plus complète et d’une plus grande initiative que la plupart des gouverneurs de nos colonies françaises. Ceci est une conséquence naturelle du gouvernement autocratique de la Russie. La confiance de l’empereur, dont il est investi, est la seule condition légale pour qu’il ait carte blanche, et les exigences du régime parlementaire ou de la politique intérieure ne viennent pas à chaque instant l’entraver dans son administration, dans ses conquêtes ou ses réformes.

Nous nous bornons à signaler cette dissemblance, qui est