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valoir, puisque toutes relevées d’après des documens, des témoignages et monumens retrouvés et rendus au jour, elles en forment le meilleur et le plus original commentaire, et sont avec lui en parfaite harmonie.

De l’Egypte au Vatican il y a loin sans doute ; mais quand on reporte sa pensée vers l’Immuable et l’Éternel, on peut bien passer du monde des Pharaons, d’Alexandrie, au monde romain et à la Ville éternelle, à la seule Cité qui se soit élevée et ait grandi sur les ruines de la civilisation antique. En écrivant le Vatican[1], MM. Georges Goyau, Paul Fabre, André Pératé, tous trois anciens membres de l’École française de Rome, ont retracé un magistral tableau de la papauté, de ce qu’elle fut dans le passé, de ce qu’elle est dans le présent; ils ont admirablement montré comment fonctionnent le gouvernement central de l’Église, le Sacré-Collège, les consistoires; enfin ils ont décrit toutes les richesses d’art et les merveilles incomparables du palais et des bibliothèques du Vatican, dressant en quelque sorte l’inventaire de ce dépôt unique. Ils ont très bien réussi à fixer, comme l’a dit M. Eugène-Melchior de Vogué dans l’éloquente et forte conclusion qui ferme si bien cet ouvrage si nouveau sur une institution si vieille et d’une force morale en dehors des atteintes du temps, — « ils ont fixé la physionomie intime du Vatican, de ce palais lourd de siècles et de souvenirs, qui a grandi dans l’ombre de Saint-Pierre comme la figure monumentale de l’Église. » Ils nous font suivre à travers les siècles l’évolution de ce pouvoir spirituel de la papauté apostolique aux premiers temps de la chrétienté, sous le régime des persécuteurs, — sous les empereurs de Byzance pendant les invasions barbares, — sous les francs et Charlemagne, — sous le régime féodal et scolastique, — puis ils nous montrent la papauté s’émancipant de l’Empire, exerçant à son tour sa maîtrise sur la société du moyen âge, dans les croisades, luttant contre le césarisme germanique, le schisme d’Avignon, enfin s’affermissant avec un Grégoire VII ou un Innocent III, faisant rayonner l’humanisme et les arts sous les différens papes à partir du XVe siècle, surmontant tous les périls des Églises dissidentes, tous les assauts de la Révolution, pour retrouver de nos jours son ancien éclat et resserrer l’union des Églises sous le pontificat de Léon XIII.

Ce n’est pas seulement une œuvre d’érudition que ce livre sur le Vatican, c’est encore une œuvre éditée avec luxe, car tous les grands dépôts du Vatican ont payé à l’activité de l’éditeur. Le palais lui-même et les églises de Rome ont fourni de rares modèles, et pour composer ce volume d’une grande nouveauté, la maison Didot a puisé dans les plus beaux manuscrits du Vatican ou du British Muséum, donnant des spécimens des miniatures qui les ornent. Elle a de plus reproduit quelques- unes des fresques les plus curieuses du cimetière de Calliste, de Fra Angelico,

  1. Le Vatican, les Papes, la Civilisation, 1 vol. in-4o, illustré; Firmin-Didot.