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Son caractère m’inspire beaucoup de confiance. C’est un jeune homme religieux et grave. C’est vraiment le venerandus puer de Virgile...

Recevez l’hommage de mon dévouement inaltérable,

MICHELET.


Un congé complet lui fut accordé. On lui laissa même, avec son titre, 1 000 francs d’appointement ; mais au lieu d’accepter M. Wallon comme son suppléant, on chargea de la seconde et de la troisième année M. Filon qui enseignait déjà l’histoire en première année depuis 1834.

En 1838 Michelet sortit de la fausse et pénible situation où il se trouvait, par sa nomination au Collège de France. Il était appelé, en remplacement de Letronne, à la chaire d’histoire et de morale, illustrée par Daunou. Il donna aussitôt sa démission de maître de conférences à l’Ecole normale. Il écrit le 10 octobre au ministre :


Monsieur le Ministre,

Maître de conférences à l’École Normale et professeur au Collège de France, je ne puis me partager entre ces deux enseignemens sans inconvénient pour l’un ou pour l’autre. Permettez-moi de me démettre de la place de maître de conférences.

Je ne me déciderais pas à me séparer d’une École à laquelle j’ai eu l’honneur d’appartenir pendant tant d’années, si les cours du Collège de France n’étaient publics et par conséquent ouverts aux élèves de l’École normale.


Cousin n’avait pas attendu que Michelet eût donné sa démission, pour pourvoir à son remplacement. Dès le 24 septembre il avait écrit au ministre pour demander que M. Wallon fût nommé professeur d’histoire en première année, M. Filon en deuxième et troisième années. Il ajoutait : « L’Ecole perdra avec beaucoup de regrets M. Michelet, dont le talent et le zèle sont au-dessus de tout éloge. »

Le titre de la chaire du Collège de France : Histoire et Morale, semblait ramener Michelet de onze ans en arrière, au temps où il était chargé d’enseigner simultanément la philosophie et l’histoire à l’Ecole préparatoire. Mais tout était différent : le temps, le lieu, l’auditoire, le professeur lui-même. Sans doute il s’occupera encore quelques années de l’Histoire de France au moyen âge dont les derniers volumes paraîtront de 1839 à 1843, mais cette histoire était déjà presque achevée ; elle était sortie tout entière des cours de l’Ecole normale. Un nouveau Michelet va apparaître. Ce ne sera plus le solitaire paisible qui évoquait le passé du fond des catacombes des Archives avec une ardente et tendre sympathie, pour le faire revivre aux yeux émerveillés de quelques disciples