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ÉPITAPHE D’UNE DÉESSE


Le temple est sur un cap qui domine la mer.
Et les marins qui vont du Pirée aux Cyclades
Peuvent le voir longtemps dresser dans le ciel clair
L’aveuglante blancheur de ses deux colonnades.

Les jours, plus d’un millier de ces jours, un par un
Ont passé sur ce marbre et l’ont laissé sans ride ;
Il a bravé l’assaut des vents et de l’embrun ;
Il ne s’est pas fondu sous le soleil torride.

Pour en jeter à bas une part seulement
Il fallut que ce cap hautain et solitaire
Fût secoué par un immense tremblement,
Formidable frisson de fièvre de la Terre.

Et cela fait un vaste amas prodigieux
De tambours colossaux, d’énormes architraves.
De métopes portant la figure des dieux.
Et de grands chapiteaux doriques, lourds et graves.

Ce temple est une tombe, — ô Passant, parle bas!
La Déesse qui fut en ce lieu suppliée
Dort sous ce marbre blanc. Ne la réveille pas,
— Redoute d’offenser son ombre humiliée!...


Athènes.


LE FANTOME D’HÉLÈNE


C’était un doux matin du doux printemps de Grèce,
Dans l’air léger flottait un souffle de jeunesse.
De larges fleurs de pourpre étoilaient le gazon.
Et des monts d’un gris roux enserraient l’horizon
Que dominaient les pics neigeux du grand Taygète.
Quelques femmes passaient, l’amphore sur la tête.