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toute la nuit, même chez les Belges qui avaient tout donné de bon cœur et pansé nos blessés. Les hommes méconnaissent l’autorité de la gendarmerie. J’offre ma démission de Grand Prévôt de l’armée. »

Des régimens refusent du pain biscuité. Priant se plaint que les grenadiers de la garde traînent avec eux des femmes et un trop grand nombre de bagages et de chevaux de bât. Un voltigeur du 96e déserte en armes, pour aller voir ses parens, et rentre au bout de huit jours, et le colonel ne lui inflige qu’une légère punition disciplinaire. 292 soldats des 39e et 59e de ligne déclarent qu’ils déserteront s’ils ne passent point dans la garde. Des hommes du train qui ont suivi l’Empereur depuis Grenoble se font incorporer au 1er de hussards. Le général Barrois, commandant une division de jeune garde en formation, reçoit cette singulière supplique : « Monsieur le comte, nous sommes 1374 hommes des 1er et 2e ligne et du 1er léger qui avons toujours servi avec honneur. Nous croyons donc qu’il est de notre devoir de vous prévenir que nous ne voulons pas rester davantage dans nos régimens, bien que nous n’ayons pas à nous plaindre. Mais ayant servi dans la garde, nous voulons y retourner. Il serait imprudent de nous arrêter, le parti que nous avons pris étant irrévocable. Vous pouvez empêcher la faute que nous allons faire en obtenant notre rentrée à la garde. Mais nous ne voulons pas attendre plus de quatre jours. Nos colonels sont prévenus. »

Il y avait des rivalités de corps qui amenèrent des rixes et des duels. L’Empereur se vit forcé d’ordonner la suppression, dans les cinq régimens de cavalerie portant le n° 1 des aiguillettes blanches que jalousaient les autres régimens. Les soldats de l’île d’Elbe ayant été logés dans l’hôtel des Cent-Suisses, place du Carrousel, quelques enthousiastes avaient substitué-à l’inscription de la grande porte celle de : Quartier des Braves. Les autres braves de l’armée, tout bonapartistes qu’ils étaient, ne l’entendirent pas ainsi. Les grognards furent plaisantes par leurs camarades de la ligne et même de la vieille garde. On échangea des coups de sabre. Il fallut effacer l’inscription.

Mais en même temps que l’armée est énervée par l’indiscipline, elle est animée par l’impatience de combattre, la résolution de vaincre, l’idolâtrie pour l’Empereur, la confiance en lui et la haine vivace de ses ennemis. « L’esprit des soldats est affreux, écrit à Clarke l’adjudant-commandant Gordon, déserteur. Ils sont forcenés. Le Roi à son retour devra licencier cette armée et en créer une nouvelle. » L’esprit des soldats est affreux, c’est-à-dire tous les soldats demandent à être passés en revue par l’Empereur; ils