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Exelmans, entré le premier aux Tuileries le 20 mars, eut un corps de cavalerie, mais Kellermann fils, employé à l’armée de Villejuif, en eut un aussi. Lallemand l’aîné, un des principaux chefs de la conspiration du Nord, devint lieutenant général; mais Lefebvre-Desnoëttes et Lallemand jeune furent simplement replacés à la tête des chasseurs à cheval et de l’artillerie à pied, de la vieille garde. Enfin aux grandes promotions du mois de mai dans la Légion d’honneur, les 5e et 7e de ligne, le 4e d’artillerie et le 4e de hussards, régimens qui les premiers avaient fait défection à Grenoble, ne furent point spécialement favorisés.

Des vingt maréchaux de France, trois : Berthier, Marmont, Victor, avaient accompagné ou rejoint Louis XVIII en Belgique; l’Empereur ordonna leur radiation[1]. Pérignon, qui s’était sottement compromis avec Vitrolles à Toulouse, et Augereau, dont la récente palinodie ne pouvait racheter la pitoyable conduite à la tête de l’armée de Lyon en 1814, furent l’objet de la même mesure. Napoléon voulut aussi radier Gouvion Saint-Cyr pour avoir méconnu ses ordres après le 20 mars et fait reprendre la cocarde blanche aux troupes de la 22e division militaire, et le vieux Kellermann, duc de Valmy, comme ayant voté l’acte de déchéance le 1er avril 1814. Mme de Gouvion Saint-Cyr écrivit à Davout une lettre qui apaisa l’Empereur ; le maréchal en fut quitte pour une villégiature obligatoire dans son château de Reverseaux. Napoléon ne donna pas suite non plus à sa première décision à l’égard du duc de Valmy. Sérurier, qui avait, lui aussi, voté comme sénateur l’acte de déchéance, fut maintenu dans ses fonctions de gouverneur des Invalides. L’Empereur se contenta de ne point le nommer à la Chambre des pairs, et la leçon était tout de même bien méritée.

Oudinot, comme Gouvion Saint-Cyr, avait refusé, après le 20 mars, d’obtempérer aux ordres de Napoléon. Il n’avait laissé proclamer l’empire à Metz qu’au moment où allaient l’y forcer la garnison et le peuple en révolte. Relevé de son commandement, il fit tous ses efforts pour rentrer en grâce. Il adressa une lettre à l’empereur, supplia Davout, Suchet, Jacqueminot, d’intercéder pour lui. « Rends-toi à l’instant chez l’Empereur, écrivit-il à Suchet, dis-lui ce que tu penses de moi ; accuse-toi de ne m’avoir fait parvenir ta lettre et celle de Ney que le 27 au soir. Dis que

  1. Ces radiations, qui ne furent insérées ni au Moniteur ni au Bulletin des Lois, ne furent point, par conséquent, rendues publiques ; elles consistèrent en un simple avis du ministre de la Guerre aux intéressés, les informant qu’ils étaient rayés de la liste des maréchaux et qu’il leur serait accordé une pension en forme de retraite. Annulées par le fait même du retour de Louis XVIII, ces radiations ne figurent pas sur les états de service des officiers.