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cette destitution en masse ; les officiers à la suite suffirent à les compléter. Les officiers à la demi-solde furent placés dans les bataillons, escadrons et batteries de nouvelle formation, dans la jeune garde et dans les tirailleurs fédérés. Au milieu de mai, 2 500 officiers de cette catégorie se trouvaient encore disponibles; ils furent dirigés sur les places frontières pour commander les gardes nationales mobilisées.

Certain du dévouement des officiers qui vivaient en contact immédiat avec la troupe, Napoléon avait des défiances légitimes contre plusieurs colonels et contre beaucoup de généraux. Parmi les porteurs de grosses épaulettes, il y avait eu en 1814 des faiblesses et des trahisons, en 1815 des hésitations et des résistances. De nombreux changemens s’imposaient dans le haut personnel militaire. Mais ce furent bien plutôt les intérêts de l’armée que des rancunes ou des sympathies personnelles qui dictèrent à l’Empereur ses exclusions et ses choix. Sans pitié pour les officiers qui s’étaient montrés pendant la campagne de France incapables comme Augereau et Oudinot, ou criminels comme Marmont et Souham, il sut oublier la conduite de ceux qui du 1er au 20 mars avaient tenté de changer son retour triomphal en une misérable aventure. Le colonel Cuneo d’Ornano, qui avait emprisonné vingt-cinq grenadiers dans la citadelle d’Antibes, fut promu général. Le général Miollis, qui avait mené la garnison de Marseille à la poursuite de la petite colonne impériale, eut le commandement de la place de Metz. Le colonel Roussille, le tenace défenseur de la porte de Grenoble, resta à la tête du 5e de ligne. Le colonel Dubalen, qui avait publiquement donné sa démission à Ney sur la place d’armes de Lons-le-Saulnier, fut rappelé à son régiment. Le général Marchand aurait pu aussi rentrer en grâce, mais il refusa, dit-il, « de figurer sur la liste des traîtres. » Foy qui, resté républicain sous l’empire et converti sous Louis XVIII à la royauté constitutionnelle, ne s’était mis, le 24 mars, à la tête du mouvement bonapartiste de Nantes qu’après avoir tout fait pour l’arrêter, n’en fut pas moins pourvu d’un commandement à l’armée du Nord. Plusieurs officiers du 10e de ligne promus par le duo d’Angoulême pendant la campagne du Midi furent confirmés dans leur nouveau grade. L’Empereur employa Rapp, Belliard, Ruty, Kellermann fils, Gourgaud, tout comme s’ils n’eussent point servi dans l’armée rassemblée à Villejuif sous les ordres du duc de Berry. « — Auriez-vous osé tirer sur moi ? » dit Napoléon à Rapp. — « Sans doute, Sire : c’était mon devoir. » Et Napoléon lui donna l’armée du Rhin.

L’Empereur, cependant, destitua ou mit en retrait d’emploi