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sur les liquides[1]. Cette réforme, que l’histoire n’a pas enregistrée au milieu de si grands événemens, eut cependant de l’action sur l’opinion. Les Bourbons, qui avaient si solennellement promis la suppression des droits réunis, s’étaient bien gardés d’y rien changer, et Napoléon, qui n’avait rien promis, abolissait ceux de ces impôts que l’on regardait comme les plus vexatoires et les plus insupportables. Chez les paysans, les petits rentiers, et dans le monde déjà influent des cabaretiers et des courtiers en vins, ce dégrèvement rallia plus de monde à la cause impériale que n’en éloigna l’Acte additionnel, attaqué surtout par les beaux esprits des salons et les professeurs de politiques.

L’Empereur trouva une ressource inespérée dans une encaisse de 50 millions qui existait le 20 mars au Trésor et chez les receveurs généraux. Le baron Louis employait une partie de ces fonds à l’agiotage des bons royaux ; il avait eu scrupule de les emporter à Gand. Le gouvernement impérial bénéficia aussi de l’époque où s’était accomplie la révolution. Au 20 mars, les contribuables n’avaient encore que fort peu versé sur les trois premiers douzièmes des impôts qui allaient devenir exigibles. Il y eut, de ce fait, un afflux d’argent dans les caisses des receveurs pendant les mois d’avril et de mai, car en général les contributions rentrèrent bien. Néanmoins, les recettes ordinaires et l’argent disponible étant insuffisans pour faire face aux dépenses, Gandin, sur l’ordre de l’Empereur, négocia 3 600 000 francs de rentes de la caisse d’amortissement, qui furent remplacés par la même valeur en crédit de bons nationaux. Cette opération, menée avec le concours d’Ouvrard, produisit, net de tout escompte, 40 millions argent comptant.

Les dépenses d’armement, d’équipement et d’habillement des gardes nationales mobilisées, dépenses évaluées à 24 millions[2], n’entraient pas dans le budget de la guerre. On les mit à la charge des départemens, qui durent y pourvoir par la taxe de remplacement, fixée à 120 francs, le prélèvement d’un dixième sur les revenus communaux et le produit du quart de la réserve des bois. Il fut affecté en outre aux dépenses des gardes nationales la totalité des dons patriotiques, et un fonds de réserve de 6 millions à prendre dans la caisse d’amortissement[3].

  1. L’Empereur créa aussi une caisse de l’Extraordinaire pour recueillir tous les fonds casuels qui n’entraient pas au budget et les employer à indemniser les propriétaires des habitations détruites pendant l’invasion.
  2. 23 920 120 francs. — Il y avait à défalquer environ un dixième de cette somme, car les citoyens qui payaient un minimum de 50 francs d’impôt direct devaient s’armer et s’habiller à leurs frais.
  3. Ces différentes ressources ne suffirent pas aux dépenses. Dans l’Yonne, le préfet Gamot ouvrit une liste de souscriptions. Dans l’Ain, on eut recours à une répartition entre tous les contribuables à raison de 13 centimes par franc des contributions directes. Dans les Ardennes, le général Vandamme requit du drap chez les manufacturiers de Sedan, sous garantie du département. Au milieu de juin, presque tous les préfets se trouvaient dans l’impossibilité d’acquitter les engagemens pris avec les fournisseurs.