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au 1er janvier 1815. L’Empereur dut porter les crédits pour l’habillement à 30 millions, et l’administration de la Guerre estimait qu’il les faudrait élever jusqu’à 51 millions dans le courant de l’année. Des ateliers créés à Paris fournirent 1 250 habits par jour. On travailla activement dans les dépôts auxquels les fabricans furent invités à faire des avances de fournitures sous la garantie des villes. Comme le drap bleu manquait, on confectionna des capotes avec des draps d’autres nuances.

A l’époque du 20 mars, les corps de cavalerie possédaient seulement 27 864 chevaux et l’artillerie et les services auxiliaires 7 765 chevaux dont 5 000 avaient été, par mesure d’économie, prêtés à des cultivateurs. On s’empressa de les faire rentrer. Les départemens furent frappés d’une réquisition de 8 000 chevaux contre remboursement tandis que, au dépôt central de remonte établi à Versailles, on achetait les chevaux présentés volontairement par les éleveurs et les fermiers. On versa dans la garde les chevaux de la maison militaire et des volontaires royaux. Les dépôts de chaque corps furent autorisés à faire des achats directs. Enfin l’Empereur eut l’excellente idée de prendre la moitié des chevaux de la gendarmerie. Chaque gendarme reçut une indemnité de 600 francs ; il devait se remonter sous quinze jours, ce qui lui était facile en raison de sa situation dans le pays. Grâce à cet expédient, 4 250 chevaux vigoureux et tout dressés furent incontinent répartis entre les cuirassiers et les dragons. La réquisition dans les départemens donna plus qu’on n’en espérait, mais au grand dépôt de Versailles la remonte marcha fort mal. Le général Préval semblait désigné pour reprendre le commandement de ce dépôt, où il avait fait des prodiges en 1814. A tort ou à raison, il était suspect de royalisme : l’Empereur l’envoya ou plutôt l’exila au dépôt de Beauvais et nomma à Versailles le général Bourcier. C’était un formaliste, esclave des règlemens et s’arrêtant à des vétilles. Il refusait les chevaux qui avaient plus de huit ans et ceux à qui il manquait un demi-pouce de taille. En pleine guerre, pendant le seul mois de mars, Préval avait réuni plus de 7 000 chevaux ; en deux mois de paix, Bourcier n’en put trouver que 2 579 ! Malgré ce mécompte, il y avait au jour de l’entrée en campagne une belle masse de chevaux. La cavalerie en comptait 41 000 aux armées et dans les dépôts, et l’artillerie, y compris le train et les équipages, 16 500.

Menacé par l’Europe entière, l’Empereur pensait bien qu’il ne pourrait empêcher l’invasion sur tous les points du territoire. Peut-être serait-il réduit, comme l’année précédente, à ne commencer ses opérations qu’en deçà de l’Oise, de l’Aisne et de la