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les quatre régimens suisses, mais l’opposition des officiers à prendre la cocarde tricolore imposa le licenciement de ces troupes. On s’occupa d’organiser cinq nouveaux régimens étrangers, un de Polonais, vite constitué à 800 hommes, grâce aux officiers et soldats de l’ex-légion de la Vistule, qui, bien que licenciés en 1814, n’étaient pas encore rapatriés; un de Suisses où entrèrent 502 hommes des quatre régimens supprimés le 2 avril; un d’Italiens, un d’Allemands et un de Hollando-Belges. Ces trois derniers devaient être formés avec les déserteurs des armées de Frimont, le Blücher et du prince d’Orange. Le régiment hollando-belge comptait au commencement de juin 378 hommes. On leva enfin dans la Gironde un bataillon d’hommes de couleur et quelques compagnies de réfugiés espagnols.

Le territoire étant menacé, les lois et décrets de 1791, de 1792, de 1805 et de 1813, qui n’avaient pas été abrogés, donnaient le droit à l’Empereur d’augmenter l’armée par des gardes nationales mobilisées. Quelques jours après sa rentrée aux Tuileries, il s’occupa avec Davout et Carnot, qui s’en montra très partisan, de la réorganisation de la garde nationale. Il y avait alors en France seulement 200 000 gardes nationaux, ou environ, âgés de 20 à 60 ans, et Carnot estimait que l’on pourrait porter leur nombre jusqu’à 2 millions et demi. Un décret, rendu le 10 avril, prescrivit que tous les citoyens susceptibles du service de la garde nationale seraient inscrits sur les contrôles pour être formés en bataillons. L’Empereur ne pensait pas à organiser une pareille multitude, mais il comptait y prendre un grand nombre de bataillons de mobilisés composés uniquement d’hommes de 20 à 40 ans. Par de nouveaux décrets, dont l’un était également daté du 10 avril, il ordonna la mobilisation immédiate de 326 bataillons, de 730 hommes chacun ; les mobilisés devaient être incontinent dirigés sur les places frontières et les camps retranchés. C’était la remise en vigueur du décret de la Législative du 11 juillet 1792, avec cette atténuation que dans les bataillons de guerre le remplacement était autorisé et la taxe de remplacement fixée à la modique somme de 120 francs.

Dans une vingtaine de départemens, nommément dans l’Ain, l’Aisne, les Ardennes, l’Aube, la Côte-d’Or, le Jura, la Marne, la Meurthe, la Meuse, le Mont-Blanc, le Haut et le Bas-Rhin, le Rhône, la Haute-Saône, Saône-et-Loire, Seine-et-Marne, Seine-et-Oise, les Vosges, l’Yonne, la levée s’opéra très facilement, les bataillons furent portés au complet, les mobilisés quittèrent famille et foyer aux cris de : Vive l’Empereur ! avec un enthousiasme comparable à celui de 1791. Les gardes qui avaient quelque ressource