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dans d’autres organisations, dont j’aurai l’occasion de parler, il y a des classes de cuisine, de broderie, de couture. Il y a aussi chaque semaine des conversations pratiques, qui ont été l’un des grands moyens d’action de miss Dodge. Les sujets sont souvent très caractéristiques des mœurs américaines ; par exemple : Les amis masculins ; comment on trouve un mari ; comment on gagne de l’argent et comment on le garde, etc. Détail admirable : au sein de cette association, devenue florissante, s’est tout de suite fondée une espèce de confrérie pour aider plus pauvre que soi.

On m’assure que l’esprit d’imitation atténue promptement dans les clubs cette extrême grossièreté qui n’est que trop habituelle chez les Américaines de la classe ouvrière, quoiqu’elles aient fréquenté les écoles publiques, preuve nouvelle qu’instruire et élever sont choses différentes. Il est bien regrettable que toutes les demoiselles de magasins de New-York ne fassent pas partie de ces clubs. Le seul mot servir, implique sans doute pour elles une honte. Plus le magasin est inférieur, plus le sentiment de l’égalité sociale semble agressif chez ses employées. Or le club a l’avantage de mettre en contact des personnes bien placées dans des maisons de premier ordre avec de pauvres débutantes. Les ouvrières des manufactures de jute, de soie, de papier, de tapis, de cigarettes, etc., sont mêlées à des couturières et à des employées de commerce, de la meilleure sorte ; en très peu de temps l’effet contagieux de l’exemple se produit.

L’Association dont miss Dodge a été l’organisatrice a pour but d’unir, de protéger et de fortifier les intérêts des diverses sociétés d’ouvrières, créées sur le modèle de la première, en les rassemblant dans un même faisceau. Intimement jointe à ce groupe est la maison nommée, sur le rivage nord de Long Island, Holiday House. Une dame généreuse a mis cette vaste demeure avec les prairies et les bois qui l’entourent à la disposition des ouvrières que l’état de leur santé force à se reposer. Moyennant quinze francs par semaine on jouit à Holiday House de tous les bienfaits et de tous les agrémens de la campagne. Les clubs font les frais du voyage ; ils ont tous des fonds pour le changement d’air, fresh air funds, et s’entendent d’ailleurs pour cela avec la Société des ouvrières en vacance, composée de quelques jeunes filles riches, qui, tout en parcourant le monde pour leur propre plaisir, n’oublient pas que d’autres jeunes filles, attachées à leur tâche, n’ont ni l’occasion ni le moyen de voyager. Elles s’occupent donc de découvrir à la campagne des fermes où leurs protégées trouvent à bas prix une installation suffisante ; elles obtiennent des places de chemins de fer, des billets à prix réduits pour celles dont la famille demeure loin ; elles procurent