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déterminé, à le prélever sur les excédens des années suivantes. En recourant à cette combinaison, nombre d’œuvres très utiles pourraient non seulement apparaître, mais se propager.

Il convient que les associations constituées pour cet objet se maintiennent rigoureusement sur le self supporting principle, c’est-à-dire qu’elles se préoccupent d’être toujours rémunératrices, dans la mesure modeste que nous venons d’indiquer, qu’elles repoussent tout don de particuliers, de l’État ou des villes, toute subvention, toute faveur; si elles en acceptent, l’entreprise devient immédiatement artificielle et peut être nuisible, en écartant absolument toutes les entreprises analogues dont des capitalistes ordinaires pourraient se charger. Tous les capitaux employés par ces associations doivent, sans exception, être rémunérés au taux uniforme qui vient d’être énoncé ; les actionnaires ou obligataires qui ne voudraient pas toucher l’intérêt n’auraient qu’à le capitaliser en souscrivant des actions ou des obligations nouvelles, les unes et les autres destinées à porter intérêt.

Cette méthode, qui ménage une rémunération en la limitant, est la seule qui soit efficace pour des œuvres considérables d’utilité populaire.

Outre les nombreux exemples fournis, de 1850 à l’heure actuelle, par l’Alsace, en voici d’autres qui constituent une démonstration irréfragable : il s’agit des logemens destinés aux gens à petit revenu, ouvriers, petits employés, etc. M. Arthur Raffalovich, dans son très intéressant ouvrage : le Logement du pauvre, a décrit très exactement les efforts intelligens et rémunérés qui ont été faits à ce sujet. Ce titre, le Logement du pauvre, est, toutefois, défectueux, il ne s’agit pas là du pauvre à proprement parler, non plus que d’aumône ou de charité ; il s’agit des gens à petits revenus, ce qui est tout différent, et d’une entreprise à la fois économique et sympathique. L’Amérique, l’Angleterre et la France offrent des exemples frappans et heureux de ce genre d’entreprises. Pour le premier de ces pays, M. White, en 1877, à Brooklyn systématisa le premier les efforts dans cette voie. On constitua l’Improved dwelling Association, la société des logemens améliorés; une femme, miss Colins, se fit l’apôtre de cette idée. Des maisons contenant des logemens convenables, hygiéniques, à prix très modiques, furent construites dans diverses villes ; l’entreprise réussit à merveille : les souscripteurs avaient limité leur intérêt à 6 p. 100 et ils l’obtinrent, tout en améliorant singulièrement les logemens pour les petites gens. Ce taux de 6 p. 100 est très élevé, mais dans cette période de 1877 à 1885, l’intérêt n’était pas déprécié en Amérique comme à l’heure présente ; aujourd’hui le taux de 3 1/2 cumulatif suffirait; l’entreprise doit