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certaine mesure, productives pour les capitaux, mais où les chances de gains sont trop faibles, quoique n’étant pas complètement absentes, pour séduire les entrepreneurs privés, qui ne suivent que l’impulsion du strict intérêt personnel. Des hommes riches peuvent s’en charger en y consacrant une partie de leurs revenus, sans renoncer, pour cette fraction ainsi un peu aventurée, à tout intérêt, mais en limitant le montant de celui-ci.

Une enquête faite, il y a déjà une quinzaine d’années, par la Société industrielle de la Haute-Alsace, à l’occasion de l’exposition de 1878, a indiqué toute une série d’entreprises de ce genre, à la fois inspirées par un sentiment philanthropique et, cependant, indemnisant modestement les capitaux qui y étaient affectés : ainsi, les sociétés de crédit populaire, dont Schulze-Delitsch et Raiffeisen ont fourni d’admirables types, les sociétés coopératives de consommation, les assurances ouvrières, sous des formes très multipliées, les bains et les lavoirs pour les ouvriers ou pour la petite classe moyenne, les logemens ouvriers, les restaurans à bon marché, etc.

Tous ces organismes qui concernent le peuple ou la petite classe moyenne sont ordinairement dédaignés par les entrepreneurs professionnels, et par les capitalistes qui veulent s’affranchir de tout souci; ils le sont, en général, par la raison que le bénéfice y est trop aléatoire, ou restreint dans des limites trop étroites, ou qu’encore il faut pour la gestion de ces menues affaires trop de soins minutieux et de perte de temps.

C’est aux hommes riches, par un prélèvement sur leurs revenus disponibles, qu’il incombe de s’en occuper, non pas à titre d’aumône, mais à titre d’œuvre d’utilité générale, où il est licite, néanmoins, et légitime de recueillir un modeste intérêt. Il ne s’agit pas d’aventurer ses fonds, en les considérant d’avance comme perdus : les œuvres de ce genre, qui n’indemnisent nullement les fondateurs, ne peuvent avoir qu’un développement insuffisant. Il convient, au contraire, de constituer des associations qui, suivant, l’expression anglaise, soient self supporting, c’est-à-dire qui, étant rémunératrices dans une certaine mesure, portent en elles un germe de développement indéfini. Depuis un quart de siècle, en Angleterre, en Amérique et en France même, bien des organismes de cette nature se sont constitués et ont démontré l’applicabilité de cette méthode. On fixait, en général, autrefois, l’intérêt maximum à 4 p. 100 : l’excédent devait être porté à la réserve ou consacré à l’extension de l’œuvre. On pourrait aujourd’hui placer la limite d’intérêt à 3 1/2 p. 100, en rendant cet intérêt cumulatif, ce qui est une méthode fréquemment usitée en Angleterre et consiste, quand une année n’a pas fourni un intérêt