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C’est d’abord que, dans un grand nombre de familles tarées, il existe des individus parfaitement indemnes, sans qu’on puisse interpréter ces exceptions par les incertitudes de la paternité ; et d’autre part, qu’un grand nombre d’affections généralement regardées comme héréditaires ou familiales peuvent apparaître dans une famille en dehors de toute hérédité. On connaît même actuellement plusieurs maladies qui méritent le nom de familiales, et atteignent plusieurs enfans d’une même génération sans qu’on puisse leur trouver un semblable, un analogue, soit dans la ligne paternelle, soit dans la ligne maternelle. La persistance d’individus sains dans une famille en décadence peut s’expliquer par la loi de l’hérédité en retour. Mais l’apparition d’une maladie familiale sans aucune ressemblance dans les ascendans constitue bien une exception aux lois de l’hérédité normale. Cette exception semble indiquer que des maladies dites héréditaires peuvent être simplement congénitales et dues à un vice de développement.

On est même en mesure aujourd’hui d’accuser un certain nombre d’agens toxiques ou infectieux d’être capables de déterminer les mêmes prédispositions morbides que l’hérédité, grâce à l’influence qu’ils exercent sur les générateurs. C’est ainsi qu’on peut attribuer à l’alcoolisme chronique, au saturnisme, au morphinisme et à d’autres intoxications chroniques des parens un grand nombre d’affections nerveuses et de psychopathies qui se développent chez les enfans, à des âges divers, en leur conférant des caractères tout à fait différens de caractères acquis de leurs parens. Des intoxications aiguës et passagères peuvent avoir le même effet : l’ivresse des parens au moment de la conception ou pendant la gestation a été accusée, et à bon droit, de produire chez les enfans l’imbécillité, l’idiotie, l’épilepsie, etc.

Ce que fait l’ivresse toxique, l’ivresse émotionnelle peut le produire. Les émotions aiguës ou chroniques de la mère pendant la gestation peuvent sans aucun doute avoir une influence nocive sur l’enfant en déterminant des troubles de développement qui pourront se manifester, soit par des anomalies de formes, soit par des troubles fonctionnels qui trahissent des anomalies de structure. La mauvaise alimentation, une hygiène défectueuse, en agissant directement sur la nutrition de la mère, peuvent avoir les mêmes effets. Toutes ces conditions peuvent enfin se trouver accumulées dans certaines circonstances où on voit apparaître un grand nombre d’enfans défectueux ou mort-nés. L’opinion populaire ne se trompe guère dans son interprétation quand elle dit par exemple : c’est un enfant du siège, pour expliquer en même temps sa défectuosité et l’absence d’hérédité morbide.