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tirer par des sympathies invincibles, réalise les mêmes chances de dégénérescence que la consanguinité morbide. Cette sélection pathologique se manifeste non seulement chez les névrosés, les hystériques, les vésaniques, mais aussi dans une autre catégorie d’anormaux, les criminels, chez lesquels le vice devient la base d’unions progressivement dégénératives.

Plusieurs maladies infectieuses, qui se propagent ordinairement par contagion, peuvent être transmises à l’enfant soit par la mère, soit même par le père, la mère demeurant indemne. La maladie étant due à un agent d’infection spécial, c’est-à-dire à un être qui a une existence propre, cette transmission ne peut pas être considérée à proprement parler comme un fait d’hérédité. Les élémens générateurs n’ont pu que servir de véhicules à l’agent morbide ou à ses produits. Ce qui a été transmis, ce n’est pas un caractère naturel et ce n’est même pas un caractère définitivement acquis, c’est une propriété étrangère et accidentellement surajoutée, susceptible de disparaître ou d’être détruite. La transmission des maladies infectieuses ne répond donc pas aux conditions exigées par la définition de l’hérédité biologique.

Les maladies qui répondent à cette définition sont unies par des liens évidens de parenté : quelle que soit la variété de leur aspect elles constituent une véritable famille.

L’hérédité directe et similaire de certaines maladies a frappé de tous temps les observateurs ; mais c’est surtout dans les maladies mentales que cette hérédité a été le plus souvent régulièrement constatée. Les travaux d’Esquirol, de Parchappe, de Guislain, de Baillarger, de Moreau de Tours, n’ont fait que révéler des différences de degré dans la fréquence de cette cause.

Assez souvent, la tare familiale se manifeste d’une manière graduelle : une ou plusieurs générations montrent des troubles légers, pour ainsi dire préparatoires. L’hérédité a besoin d’être accumulée, capitalisée en quelque sorte, avant de se traduire par une entité morbide à laquelle on puisse imposer un nom. On trouve souvent, parmi les ascendans des aliénés, des individus atteints d’un état habituel de surexcitation, des enthousiastes, des originaux, des inventeurs malheureux, des dissipateurs, des irréguliers affectés de tics intellectuels ou moraux.

L’hérédité ne se manifeste pas au même degré dans toutes les formes de folie : elle est moins évidente dans les formes aiguës que dans les formes chroniques. Les troubles mentaux en général ont de grandes chances de se transmettre par hérédité lorsqu’ils sont en activité au moment de la conception. Ils se transmettent moins sûrement quand les générateurs se trouvent comme en temps d’armistice ou de trêve, et surtout s’ils ont eu leur