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LES COMÉDIENS FRANÇAIS
PENDANT
LA RÉVOLUTION ET L'EMPIRE

TROISIÈME PARTIE[1]


VIII

Officier d’artillerie, premier consul, empereur, Bonaparte eut et garda toujours le goût très vif des choses et des gens de théâtre. Etait-ce pressentiment de ses propres destinées, et dans les tragiques aventures des héros de Corneille, de Racine, de Voltaire, aimait-il à voir les vicissitudes de sa propre fortune se dérouler devant lui ?

Le premier qui fut roi fut un soldat heureux !

C’était peut-être aussi conscience de ce qu’il y avait de théâtral dans son génie. Mais c’était surtout besoin d’étendre l’ubiquité de sa domination jusqu’aux choses qui eussent dû lui sembler le plus étrangères ou le plus indifférentes ; de mettre le plaisir même en tutelle ; et de s’emparer, pour les diriger, de tous les moyens qu’un chef d’Etat peut avoir d’agir sur l’opinion. L’ancienne monarchie, la Révolution lui avaient indiqué la voie, et, dans un pays comme la France, il avait de bonne heure mesuré l’influence du théâtre. C’est l’explication à la fois de l’insignifiance de la littérature dramatique sous son règne, et de ce qu’il a mêlé de

  1. Voyez la Revue du 1er avril et du 1er août.