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De tous ces renseignemens ou de toutes ces rectifications, faut-il conclure que Palestrina ne fut pour rien dans la réforme à laquelle son nom demeure attaché ? En aucune façon. Cette réforme, dont les deux traits ou les deux vertus principales sont la simplicité et la pureté, cette réforme fut bien en grande partie l’œuvre du maître, mais une œuvre moins qu’on ne l’a cru personnelle ou exclusive ; une œuvre aussi que la Messe du pape Marcel ne représente pas à elle seule et tout entière ; une œuvre enfin moins brusque, plus lentement accomplie, et qu’un commandement ou une commande officielle ne pouvait suffire à réaliser.

Quoi qu’il en soit, en cette même année 4564, Palestrina voyait créer pour lui par le pape l’office et le titre de compositeur de la chapelle pontificale ; de plus, un traitement de neuf écus d’or lui était attribué en raison des compositions diverses qu’il avait éditées et qu’il éditerait encore pour le service de ladite chapelle[1]. Il n’abandonnait pas pour cela la maîtrise de Sainte-Marie-Majeure, qu’il conserva jusqu’en 1571. À cette époque, Animuccia, qui l’avait remplacé naguère à Saint-Pierre, étant venu à mourir, Palestrina rentra dans sa chère basilique, et cette fois pour ne plus la quitter. En même temps il était choisi par saint Philippe de Néri pour devenir, à la place d’Animuccia encore, maître de chapelle et compositeur attitré de l’Oratoire. On sait l’amour de saint Philippe pour la musique et quel rang tenait celle-ci dans les exercices de l’ordre. Il est écrit dans la règle oratorienne que c’est la volonté du saint « que ses pères, unis aux fidèles, s’excitent à contempler les choses célestes par le moyen d’harmonies musicales : musico concentu excitentur ad cœlestia contemplanda. » Saint Philippe eut pour Animuccia et pour Palestrina la plus tendre amitié. Il fut leur directeur spirituel, et à vingt-trois ans d’intervalle il les aida l’un et l’autre à mourir. Animuccia était une âme toute de candeur, de poésie et de foi. Sa femme et lui donnèrent à Rome un exemple de vertu déjà donné, paraît-il, autrefois par saint Paulin de Nole et sa femme : c’est de ne pas vivre en époux. « Quand ils se sentirent, dit un biographe de saint Philippe, détachés de tous les biens de la terre, ils vécurent unis par l’esprit, qui est la partie la plus belle et la plus divine de l’homme, et se contentèrent de la douce et céleste communion de l’affection et de la prière[2]. » Animuccia, condisciple, nous l’avons vu, de Palestrina à l’école de Goudimel, fut lui aussi pour quelque chose dans la réforme

  1. Haberl-Jahrbuch 1894.
  2. Vie de saint Philippe de Néri, par S. E. le cardinal Capecelatro, archevêque de Capoue, t. II ; traduction du P. Bezin, de l’Oratoire ; Paris, Poussielgue.