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Après avoir fait l’éloge de la Triple Alliance et répété en l’honneur de cette combinaison politique le thème un peu banal que nous avons entendu si souvent, M. le comte Kalnoky a insisté avec quelques développemens sur les bons rapports de l’Autriche-Hongrie, non seulement avec l’Angleterre, mais même avec les puissances qui pourraient se croire plus particulièrement visées par la Triplice : à savoir la France et la Russie. Il a constaté que ces rapports étaient devenus plus cordiaux avec nous à la suite du séjour que l’empereur et l’impératrice ont fait sur notre territoire et des marques de respect qui leur y ont été données. Quant à la Russie, l’Autriche-Hongrie vient de conclure pour dix ans avec elle un traité de commerce, « éminemment propre, a déclaré M. le comte Kalnoky, à fournir une base solide à de bonnes relations réciproques, car un rapprochement dans le domaine économique a toujours un contre-coup sur les rapports politiques. » C’est là une vérité généralement admise partout, — excepté en France. Toute cette partie du discours ministériel mérite d’être approuvée ; elle ne nous apprend toutefois rien de bien nouveau. Il n’en est pas de même de la seconde, où M. le comte Kalnoky parle des petits royaumes des Balkans. On ne retrouve plus cette année, dans son langage, le même optimisme que les années précédentes. Qu’est devenu le temps où il citait complaisamment la Bulgarie comme un pays modèle, auquel il n’avait que des félicitations et des encouragemens à adresser ? Il la proposait en exemple à tous ses voisins. Aujourd’hui, le ton est changé. M. le comte Kalnoky ne cache pas que sa confiance dans la Bulgarie tenait à la personne de M. Stamboulof et à la fermeté avec laquelle ce ministre résolu y dirigeait les affaires. Il semble oublier tout à fait le prince Ferdinand, un prince autrichien pourtant, et qui, en somme, a montré plus de valeur qu’on ne lui en supposait à l’origine. On comprend aujourd’hui pourquoi M. Stamboulof, depuis sa chute, a montré une si tranquille arrogance envers le prince qui l’a disgracié : il se sentait, il se savait soutenu par l’Autriche, et M. le comte Kalnoky a dénoncé par avance la faute grave que l’on commettrait si on en venait à. lui intenter un procès. M. Stamboulof reste donc le client de l’Autriche, après avoir été son instrument, et certes il a mérité la bienveillance qui lui est prodiguée avec tant d’éclat. Mais il faut avouer que, si sa stabilité tenait uniquement à la personne et à la politique de M. Stamboulof, la Bulgarie mériterait médiocrement les éloges qu’on lui donnait naguère, car la dictature, et la plus brutale de toutes, ne saurait passer pour un état normal et satisfaisant. Le discours de M. le comte Kalnoky aura-t-il quelque influence sur les résolutions du prince Ferdinand et sur la situation intérieure de la principauté ? L’avertissement qui en ressort, et qui n’est pas exempt de quelque rudesse, sera-t-il entendu ? On le saura bientôt. Le gouvernement austro-hongrois met généralement plus de soin à ne pas découvrir son action, pourtant