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plate-forme, et que M. Bent croit avoir été un temple, formait un épais fourré d’orties de dimensions prodigieuses dont il fallut faire opérer préalablement le défrichement par une équipe de Cafres. Au point central de cette enceinte se trouvait un autel couvert de terre et d’une épaisse couche de ciment, et çà et là plusieurs grands blocs de ciment jonchaient le sol. En débarrassant l’autel de la terre qui l’ensevelissait, on découvrit des piliers en marne dont les sommets se terminaient par des représentations d’oiseaux d’une forme toute conventionnelle, mais dans lesquels M. Bent a cru reconnaître des faucons ou des vautours. Parmi ces oiseaux sculptés, qui étaient au nombre de huit, six atteignaient une hauteur de plus de 5 pieds. M. Bent pense qu’ils ont dû servir à la décoration du mur extérieur du temple.

Les fouilles pratiquées par M. Bent et ses compagnons dans la forteresse et ses alentours devaient être plus heureuses en résultats que dans la ruine circulaire, le sommet de la colline, occupé par la forteresse étant ombragé et frais, et, pour ce motif, peu fréquenté par les Cafres, qui recherchent avant tout la chaleur et le soleil. Dans le voisinage immédiat de la forteresse, les fouilles amenèrent une importante découverte, celle de nombreux fragmens de coupes en pierre de marne décorée ou unie qui se trouvaient enterrés à une grande profondeur. Le talent déployé dans l’exécution de ces coupes, l’irréprochable rondeur de leurs bords, l’exacte exécution du cercle, la délicatesse des outils qui ont dû être employés, enfin la nature des sujets qui étaient représentés, tout témoigne que cette race avait le sens artistique très développé, et qu’elle avait sans doute acquis cette habileté de main par des relations commerciales qu’elle entretenait avec des peuples appartenant à des races plus civilisées.

Sept de ces coupes étaient exactement de la même capacité et mesuraient 19 pouces de diamètre. Le plus fini des dessins qui figurent sur ces fragmens de coupes est celui qui représente une scène de chasse ; un autre fragment représente une suite de trois zèbres et de deux hippopotames sous la conduite d’un Hottentot ; un autre, (une suite de trois taureaux, et le trait caractéristique de cette dernière représentation est que les trois paires de cornes sont toutes différentes.

Trois de ces fragmens de coupes appellent encore particulièrement notre attention : l’un d’eux nous présente une main tenant un vase à libations ou un encensoir, ainsi que le bras et la partie postérieure de la tête d’un autre personnage ; le sujet traité devait être sans doute une procession religieuse. Sur un autre fragment se trouve un dessin très soigné tiré du règne végétal, sans doute