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s’applique à ce groupe de ruines désigné aujourd’hui par les indigènes sous le nom de Grand Zimbabyé. Mais, ainsi qu’on le verra plus loin, cette description est inexacte sur bien des points. À l’époque où écrivait de Barros (dans la première moitié du xvie siècle), les Portugais n’avaient pas encore pénétré dans l’intérieur des terres, et la description fournie par de Barros doit avoir été empruntée à des relations arabes qui, passant de bouche en bouche, ont dû parvenir très altérées à la connaissance des Portugais.

À ce propos, de Barros fait la remarque, fort judicieuse à notre avis, que les rapports du nom que les indigènes donnaient à ces ruines, avec celui d’Agyzimba, donné par Ptolémée à l’Afrique australe, autorisent à croire que l’antiquité classique avait déjà perçu l’écho lointain des légendes qui se rattachaient à ces mystérieux monumens.

Depuis lors, l’existence de ces ruines n’avait pas été oubliée, mais de nombreux voyageurs avaient vainement cherché à les atteindre, soient qu’ils eussent été rebutés par les dispositions peu bienveillantes des indigènes, soit que la méfiance ombrageuse des Portugais leur en eût rendu l’accès impossible. Et pour quelques explorateurs qui comme Thomas Baines, sir John Swinburn, le capitaine Burton et le docteur Livingstone les ont mentionnées dans leurs relations, ils ne nous ont ni fourni de détail, ni d’ailleurs indiqué la source où ils avaient puisé leurs informations.

Le minéralogiste allemand Carl Mauch, qui en 1871 a parcouru cette contrée en tous les sens, est le premier qui nous ait donné une description détaillée des anciens travaux miniers et des ruines d’anciens édifices qu’il rencontra dans le cours de son exploration. L’aspect des ruines grandioses de Zimbabyé a eu le don d’exalter jusqu’au lyrisme l’enthousiasme du savant allemand. La forteresse supérieure de Zimbabyé ne serait rien moins, selon lui, que la reproduction exacte du temple élevé à Jérusalem par Salomon sur le mont Moriah. Quant aux constructions qui font face à la forteresse, elles nous représenteraient la copie du palais qui fut affecté à la demeure de la reine de Saba durant son séjour à Jérusalem. Enfin il affirme que c’est en ces lieux, et non pas à Safala, qu’il faut chercher le véritable site de l’antique cité d’Ophir.

Mais la relation de Carl Mauch n’offre plus aujourd’hui qu’un intérêt (secondaire depuis la publication toute récente d’un voyage que M. Théodore Bent — un explorateur anglais aussi érudit que sagace et consciencieux, a entrepris dans cette