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cette seule raison que leur répartition peut être mauvaise : s’ils sont trop lourds, c’est surtout parce que leur masse dépasse ce que le pays peut supporter sans souffrir.

Il faut donc faire des économies, non pas en gagnant quelques centaines de mille francs ou même des millions sur les comptes d’intérêt et d’amortissement des différentes catégories de dettes au moyen de combinaisons financières, ce qui est plus ou moins ingénieux et plus ou moins facile à réaliser : par le temps qui court un ministre a souvent plus de ressources dans son esprit que dans sa caisse. — Ce qu’il faut, c’est tarir résolument toutes les sources nouvelles de dépenses que l’initiative gouvernementale, dans beaucoup de circonstances, et l’initiative individuelle dans une mesure qui dépasse tout ce qu’on aurait pu imaginer, ouvrent ou ont ouvert avec tant d’imprévoyance. Ce ne sont pas les crédits de tel ou tel chapitre dont il faut réduire le montant, ce sont des ordres entiers de dépense dont il faut se résoudre à faire disparaître toute trace du budget.

Il y a évidemment trop de fonctionnaires, ce qui n’est pas la même chose que des fonctionnaires trop payés. On l’a dit, une gestion économe n’est pas toujours une gestion économique. On peut payer très bon marché tout ce qu’on achète, ce qui ne veut pas dire qu’on ne dépense pas trop d’argent. Notre gouvernement a une vie trop intense, il nous inspecte trop, il nous aime trop, il aime trop à nous protéger, il met trop de gouvernantes et de précepteurs à nos trousses pour nous empêcher de trébucher.

Sans un arrêt de la politique d’intervention à outrance et sans un retour à une législation économique plus libérale, il est inutile de nourrir l’espoir de réaliser un équilibre stable. Il est contradictoire de penser qu’on puisse faire des lois entraînant l’ouverture de crédit pour des millions et des millions au débit des exercices courans et prochains, et qu’on puisse néanmoins trouver un moyen pratique de balancer les dépenses avec des ressources suffisantes réelles, c’est-à-dire ordinaires, permanentes et puisées dans le revenu annuel des citoyens.

Il y a des hommes politiques convaincus que, par l’établissement d’un impôt sur le revenu, on obtiendra une répartition des charges publiques qui résoudra les deux questions de la justice en matière d’impôt et de l’équilibre du budget. Bien des gens sont disposés à les suivre par ignorance ou par faiblesse et à leur concéder tout au moins la permission de faire une expérience ; mais ils espèrent se tirer d’affaire en leur faisant croire qu’une série de modifications dans les bases et les tarifs de nos