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les citoyens dont le revenu serait au-dessous d’une somme déterminée » (c’est l’exemption nominative et non par masse, des citoyens reconnus indigens) « et qu’elle pouvait sans injustice devenir progressive selon de certaines règles pour soulager les moins aisés en portant un peu plus sur les riches » (c’est le tarif progressif adopté pour rétablir l’égalité proportionnelle).

Pour dissiper tous les doutes qui auraient pu rester dans l’esprit des membres de l’Assemblée, Defermon fut chargé de rédiger le rapport définitif, et cette fois, la doctrine est exposée avec la plus extrême précision ; aucune confusion ne peut plus subsister.

Ce rapport définitif fut déposé le 17 octobre 1790, deux mois après le rapport provisoire de La Rochefoucauld : « Nous n’avons pas cru, dit Defermon, qu’il fût possible de se contenter des déclarations des contribuables ou de laisser aux répartiteurs le droit de taxer arbitrairement. Je vous ai développé les motifs qui nous ont éloigné d’adopter ces mesures, et nous avons pensé, messieurs, que la base d’évaluation la moins fautive et la seule générale serait le loyer d’habitation. Chaque tarif présente, à raison de la différence des loyers, une progression croissante, progression que nous croyons indispensable de vous proposer parce qu’il est reconnu que le pauvre prélève sur son revenu une somme plus forte pour la dépense de son loyer. Et comme c’est sur le revenu que l’impôt doit porter, il est nécessaire, pour le rendre proportionnel au revenu, d’attribuer une progression au taux d’imposition sur les loyers. »

Il est donc constant que l’Assemblée nationale, dans les deux cas qu’on a relevés pour appuyer la thèse contraire à la nôtre, n’a pas eu d’autre principe en matière d’impôt que la proportionnalité rigoureuse aux facultés des citoyens. Les constituans, constamment dominés par les principes des économistes de l’école moderne, dont Gournay, Turgot et Dupont de Nemours avaient été les précurseurs, n’ont jamais admis que des classes ou des catégories de citoyens pussent être soustraites à l’impôt, ni que les revenus pussent être frappés par des tarifs arbitrairement progressifs.


V

La politique financière anglaise étant en général considérée comme la politique financière libérale par excellence, on croit pouvoir par l’exemple du chancelier de l’Echiquier, sir William Harcourt, nous démontrer que la doctrine libérale s’accommode